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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

La Femme de l’Apocalypse, dans l’Hortus Deliciarum

8 Février 2015 , Rédigé par PiP vélodidacte

Le Nouveau Testament se termine par l’Apocalypse de Jean. Ce texte contraste au plus haut point avec les récits des Evangiles. Vision prophétique, révélation fantasmagorique, succession d’apparitions étranges, de phénomènes surnaturels, de cataclysmes de tous ordres, combats épiques entre les monstres et les anges. Nous sommes bien loin des messages de paix et compréhension du Christ. La fin du monde serait un terrible combat.
Apocalypse signifie révélation. L’auteur, Jean, est retiré sur l’île de Pathmos, il écrit ce que Jésus Christ lui a ‘révélé’. Le texte obtenu a longtemps été critiqué pour sa violence, certes, mais aussi pour son manque de clarté. Plusieurs églises chrétiennes ne l’ont pas admis dans leurs corpus de textes saints.
Notre but n’est pas d’étudier l’Apocalypse de Jean. Les lectures sont multiples, les exégèses nombreuses. Nous nous contenterons de vous proposer la lecture d’Herrade de Landsberg dans son codex du XIIème siècle, l’ ‘Hortus Deliciarum’ rédigé dans le couvent d’Hohenburg, au sommet du Mont-Sainte-Odile.

Le choix d’Herrade de Landsberg

Les personnages, les symboles sont nombreux dans l’Apocalypse de Jean. Les sept trompettes, l’agneau, les sept sceaux, les quatre cavaliers sont parmi les connus, mais nous pourrions multiplier les exemples. Herrade, dans l’Hortus, n’a retenu que deux thèmes : La Femme de l’Apocalypse et la chute de la Grande Prostituée de Babylone. Dommage ! Les quatre cavaliers, voilà un sujet que nous aurions aimé voir traité par Herrade ! Nous nous en tiendrons aujourd’hui à la Femme.
Voici le texte de Jean.

Il parut un grand signe dans le ciel : une femme enveloppée du soleil, avec la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte et elle crie, tourmentée par les douleurs de l’enfantement. Il parut un autre signe dans le ciel ; et voici un grand dragon rouge feu avec sept têtes, dix cornes et sept diadèmes sur ses têtes. Sa queue traîne le tiers des étoiles du ciel, et les jette sur la terre ; et le dragon se tient devant la femme qui va enfanter pour dévorer son enfant quand elle enfantera. Elle enfanta un fils, un mâle, qui doit faire paître toutes les nations avec un sceptre de fer. Et son enfant fut enlevé vers Dieu et son trône. La femme fuit au désert où elle a un lieu préparé par Dieu pour que là même on la nourrisse mille deux cent soixante jours.
Survint une guerre au ciel. Michel et ses messagers firent la guerre au dragon ; et le dragon et ses messagers firent la guerre, mais il ne fut pas de force, et on ne trouva plus leur place au ciel…Il fut jeté le dragon, le grand, l’antique serpent qu’on appelle le Diviseur et l’Adversaire, qui égare l’univers entier, il fut jeté sur la terre et ses messagers avec lui.

Apocalypse 12, 1-10

La Femme de l'Apocalypse

La Femme de l'Apocalypse

Le dessin d’Herrade suit au plus près la description de Jean. Le Femme se tient devant le soleil, et ses pieds sont posés sur la lune. La couronne qui ceint son front brille de douze pierres qui représentent les étoiles. A droite de l’image, le dragon semble n’avoir qu‘une seule tête, mais regardez bien, sa couronne porte six autres petites têtes couronnées. La queue du monstre déverse une pluie d’étoiles sur la terre. La Femme remet son enfant nouveau-né à un ange qui le reçoit dans un linge .
Voici la suite de l’Apocalypse de Jean.

Quand le dragon se vit jeté sur la terre, il pourchassa la femme qui avait enfanté le mâle. A la femme furent données les deux ailes du grand aigle pour s’envoler au désert, en son lieu, là même où elle est nourrie un instant, des instants, et la moitié d’un instant, loin de la face du serpent. Et de sa bouche, le serpent jeta une eau tel un fleuve derrière la femme pour qu’elle soit emportée par le fleuve. Mais la terre porta secours à la femme ; la terre ouvrit la bouche et engloutit le fleuve que le dragon avait jeté hors de sa bouche. Le dragon se mit en colère contre la femme et partit faire la guerre au reste de sa descendance, ceux-là qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus.

Apocalypse 12, 15-17

La Femme de l’Apocalypse, dans l’Hortus Deliciarum

 

 

Herrade figure la Femme avec les ailes d’aigle du texte.

 

Le dragon crache un fleuve qui est englouti par une montagne. Herrade a suivi scrupuleusement les indications de Jean.

 

A gauche de la femme, un deuxième monstre est représenté par l'abbesse de Sainte Odile. Dans l’Apocalypse, cette deuxième bête n’est liée à la Femme, que par la proximité des versets concernés.

Je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes ; sur ses cornes, dix diadèmes, et sur ses têtes les noms des blasphèmes. La bête que je vis était semblable à un léopard, ses pieds comme ceux d’un ours, sa gueule comme une gueule de lion. ….
Il lui dut donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre, il lui fut donné pouvoir sur toute tribu, tout peuple, toute langue, toute nation.

Apocalypse, 13,1-8

La Femme de l’Apocalypse, dans l’Hortus Deliciarum

Comme pour le dragon, le ‘léopard’ porte six petites têtes sur sa couronne. Les dix cornes sont symbolisées par des mèches noires de la crinière.  Le monstre sort de la mer, il possède une gueule de lion. La bête munie d’un glaive attaque un peuple figuré par cinq hommes, dont le premier est blessé.

L’idée d’Herrade de juxtaposer les deux monstres sur la même miniature équilibre l’ensemble du dessin, et place la Femme de l’Apocalypse en position de majesté. Son maintien, l’ampleur de ses ailes d’aigle ajoute l’impression de grandeur et de toute puissance.Herrade est au sommet de son art de la mise en page.

Nul doute, pour Herrade, la Femme de l’Apocalypse est l’image de l’Eglise triomphante des forces du mal en offrant ses enfants à Dieu.
Auguste Christen nous fait part d’un commentaire explicatif qui accompagnait le dessin d’Herrade.
Ainsi la Femme que l’on voit dans le ciel , c’est l’Eglise ; le christ l’introduit dans son royaume céleste. Elle est revêtue du soleil parce que Jésus , le Soleil de Justice, l’environne de son éclat. La lune est sous ses pieds parce que l’Eglise foule aux pieds la gloire fugitive de ce monde ; une couronne de douze étoiles orne son front parce qu’elle a pour parure la doctrine transmise par les douze apôtres. Les sept têtes du dragon représentent les sept vices capitaux, source de tous les pêchés du monde….

Herrade pensait toujours à conforter l'engagement de ses moniales.
Deux siècles plus tard, le roi René d’Anjou faisait tisser la Tapisserie de l’Apocalypse, aujourd’hui exposée dans le château d’Angers. Voici le panneau qui restitue le dragon et la bête immonde. ( La visite du château d'Angers est passionnante et les tapisseries des plus marquantes. )

Retrouvez sur notre site d'autres articles sur l' Hortus Deliciarum.

Cliquez sur le lien.

 

Sources
  • La Bible, traduction publiée par Frédéric Boyer, 2001
  • Hortus Deliciarum, présenté par les éditions Braun, 1945
  • Hortus Deliciarum, présenté par Auguste Christen, 1990
  • Hortus Deliciarum, présenté par Jean-Claude Wey, 2004
Illustrations
  • Dessins d’Herrade de Landsberg
  • Tapisserie de l’Apocalypse, château d’Angers

 

La Femme de l'Apocalypse

La Femme de l'Apocalypse

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