Escapade au Hohengeroldseck, en Forêt-Noire
Pour une fois, nous quittons nos chères Vosges. Mais, pas d'inquiétude, nous n’irons pas fort loin et resterons dans cette région rhénane qui est bien celle de notre passé, quoique certains puissent en penser. Traversons donc le Rhin sur le bac de Rhinau et rejoignons Lahr pour rendre visite aux ruines du Hohengeroldseck.
Balade autour des ruines du Hohengeroldseck
Le nom peut porter à confusion. Ne confondons pas! Deux familles, qui ont toutes deux donné un évêque à la Ville de Strasbourg, portent ce nom. Les Geroldseck alsaciens ont leur fief proche de Saverne. Nous leur consacrerons sans doute une article prochainement. Aujourd’hui, nous nous intéressons aux Geroldseck badois. Nous allons narrer quelques épisodes de la vie mouvementée de cette famille haute en couleurs !
1250-1260 Construction du château par Walter Ier de Geroldseck.
Le château fut construit par le premier des Geroldseck, Walter. Après un riche mariage avec Helica de Malberg, le seigneur de Lahr et de Malberg, Walter de Geroldseck connaît une ascension des plus rapides. Ses possessions s’étendent déjà sur les deux rives du Rhin. En 1260, à la mort de l’évêque de Strasbourg, Henri de Stahleck, sa renommée est telle que c’est son fils, également prénommé Walter, qui est nommé à l’évêché.
Nous avons raconté dans un article récent comment ce jeune homme bouillant et autoritaire s’est opposé frontalement à la Ville de Strasbourg. Son intransigeance amène la guerre et Walter est vaincu par la Ville lors de la Bataille d’Hausbergen, le 8 mars 1262. Son frère Hermann a été tué lors des combats. Le vieux Walter Ier, très touché par la chute brutale de ses fils, se retire à Lahr, où il meurt en 1277. C’est Walter III, dit de Tübingen, fils d’Hermann, qui lui succède.
Hohengeroldseck, d'un peu plus près
1333 Le siège de Schwanau
Walter III a hérité de la violence de son oncle, l’évêque. Tous les moyens lui sont bons pour relever la fortune de sa famille. Walter ne réside que rarement au château de Hohengeroldseck, et lui préfère la forteresse de Schwanau, située au bord du Rhin. De Schwanau, Walter rançonne les voyageurs, pille les cargaisons des bateliers du Rhin. Ce chevalier brigand devient tellement entreprenant que l’évêque Berthold, la Ville de Strasbourg et la Ville de Bâle viendront assiéger son château avant de le détruire, après un siège de trois mois. Nous avons raconté en détail cette terrible histoire, haute en couleurs, incongrue, dans notre article ‘le Siège de Schwanau, première guerre bactériologique ?’. (cliquez sur le lien)
1370 Partage du château entre les deux frères Georg et Heinrich.
A la mort de Walter III, ses deux fils partagent le site du Hohengeroldseck. Ils semblent bien s’entendre puisque les deux châtelains partagent le puits ainsi que les revenus de l’auberge située sous la forteresse : l' Auberge des Lions.
Si la plupart des châteaux des Vosges et de Forêt Noire étaient alimentés en eau par des citernes où on récupérait l’eau des toitures, seuls quelques uns sont dotés de puits. En Alsace, seuls le Haut-Koenigsbourg et le Lutzelbourg sont dotés de puits. 63 mètres de profondeur au Haut Koenigsbourg, 65 mètres, ici, au Hohengeroldseck. Véritable prouesse technique que de forer sur une telle profondeur le rocher de porphyre qui porte le château. C’est un signe de la puissance et de la richesse des Geroldseck de l’époque.
Quant à l’auberge, elle est fermée et attend un repreneur ! Admirablement située, çà ne devrait tarder. Une plaque commémore cet établissement qui serait la plus ancienne auberge d’Allemagne. (sic !)
1386 Les mines d’argent des Geroldseck
Au hasard de mes lectures, j’ai trouvé une curieuse histoire rapportés par Daniel Specklin dans ses Collectanées.
Elle oppose les Géroldesck et l’évêque de Strasbourg Frédéric de Blankenstein. Voici le texte de Daniel :
‘A cette époque, on fit la découverte d’une bonne mine dans la vallée de la Kinzig, près des terres de la seigneurie de Geroldseck. On y découvrit de nombreux filons argentifères de bonne qualité, et il y avait tant d’argent, qu’on disait alors, que ceux qui construisaient là, devenaient des seigneurs ! Alors, lorsque l’évêque eut vent de cela, il déclara que cette montagne était sise sur les terres de l’évêché, et que tout lui appartenait. Derechef, le Sire de Geroldseck déclara que cette mine était sur le ban de sa seigneurie et était, de fait, sa propriété. L’évêque répondit qu’il était un ecclésiastique et que, par conséquence, il avait la primauté. Alors il se saisit de la mine et aussi de plusieurs milliers de marcs d’argent. Puis il déclara qu’il voulait se rendre, avec tous ceux qui avaient des droits sur la mine, devant la justice du Roi des Romains. Alors, ceux-ci proposèrent de lui remettre la moitié de l’argent qu’ils pourraient trouver, et d’en être quitte ainsi, ce que l’évêque refusa.
Alors, en une nuit, l’argent disparut ! et l’on ne put plus jamais en retrouver.
Donc, rien ne fut accordé par Dieu à cet évêque et tous ces pieuses personnes, et tout est resté en l’état.’
Le bon Daniel aime à rapporter ces anecdotes étranges, sans trop donner ses sources. Dans le cas présent, il cite cependant Koenigshoven - page 679 - dans l’édition de Hegel. Nous n’avons pas retrouvé ce passage. Dommage ! Nous en saurions peut-être plus sur la mine mystérieuse et ses riches filons d’argent ! A vos pelles et pioches !
L’anecdote est cependant confirmée par Bernhart Herzog dans ses chroniques. L’évêque Frédéric de Blankenheim, fort impécunieux et d’un caractère belliqueux, avait occupé militairement la basse vallée de la Kinzig, emporté la Ville d’Haslach, cette année 1386. On comprend le conflit avec les Geroldseck, dont le château domine Haslach.
1390 Le château est endommagé par la foudre.
L’épisode nous est rapporté, toujours par Specklin, dans les Collectanées, notule 1745.
‘ Le 12 juin 1390, l’orage frappa de Hohgeroldseck, et tout le château fut détruit par un incendie.’
1432 Conflit entre deux fratries des Geroldseck pour la possession du château.
C’est encore Daniel Specklin qui raconte cette anecdote inattendue, qui voit s’affronter des cousins lors d’un héritage.
‘Alors deux frères de la famille de Geroldseck, Hans et Georg, firent la guerre à deux autres frères de la même famille Heinrich et Diebold. Lorsque Hans et Georg vinrent les assiéger, ils accumulèrent les obstacles au pied du rocher, puis jetèrent de grosses pierres par dessus. C’est alors que les assiégés dans le château pensèrent que les autres creusaient sous le rocher : l’eau tremblait dans un gobelet à l’intérieur même de la salle. Alors, lorsque l’eau ( de la citerne) s’écoula au pied de la montagne, ils pensèrent que le rocher allait tomber, ce qui n’était pas le cas, et ils rendirent les armes. C’est ainsi que se termina le conflit.’
1473 Siège infructueux du château par les troupes de l’évêque de Strasbourg.
Il s’agit d’une opération de représailles de l’évêque Ruprecht de Bavière suite à des actes de brigandage.
1486 Siège du château par le comte Palatin Philipp qui enlève la place.
Il lui a fallu réunir 8000 hommes, dont 1600 cavaliers, 87 pièces d’artillerie et 200 arquebuses !
1504 La forteresse revient aux Geroldseck par décision de l’empereur Maximilien.
1599 Les Geroldseck quittent le château pour celui de Dautenstein. Ils ne laissent qu’une petite garnison.
1689 Destruction du château par les troupes de Louis XIV. Le château est voué aux flammes. Il sert alors de carrière de pierres. Ce troisième siège sera le dernier.
1693 Construction des retranchements en étoile autour du château primitif, adaptation à l’artillerie.
1892-1901 Sécurisation et premiers travaux de restauration des ruines.
Depuis, une association a été créée à Seelbach, elle œuvre pour la mise en valeur du château.
Verein zur Erhaltung der Burgruine Hohengeroldseck e.V.
Le Hohengeroldseck est situé sur la commune de Seelbach, au dessus de Lahr. Les Obernois qui se rendent dans la ville de Gengenbach, jumelée avec Obernai, connaissent la route et le petit col qui permettent de rejoindre la vallée de la Kinzig. A hauteur du col, sur votre gauche, perché sur un éperon de porphyre, le burg a encore fière allure. Pour mieux apprécier la position et la force du château, nous conseillons de randonner alentour, sur les sentiers de la Schwarzwaldverein, très bien balisés, qui offrent de magnifiques perspectives sur le château.
Le château est ouvert au public, la visite est gratuite. Le visiteur peut monter jusqu’au sommet des ruines et découvrir les paysages de la Forêt Noire.
Deux points ont particulièrement retenu notre attention.
Les baies du Hohengeroldseck
Les baies du palas.
Le logis principal, ‘das alte Hus’, est très vaste. La hauteur ( 26 mètres) a été préservée et les murs sont percés de multiples fenêtres. Les baies sont magnifiques, la plupart ont conservé leur remplage ou ont vu celui-ci restitué. L’ensemble est saisissant : on voit rarement de telles façades dans nos vieux burgs. Le jeu des lumières sur les murs, le soir, lorsque le soleil est rasant est inoubliable.
Le puits.
Le puits est situé dans la cour basse. Il est recouvert et protégé par un bastion. Un escalier direct, creusé dans le rocher permettait de l’atteindre directement à partir du logis principal. Exceptionnel.
Allez-y !
Terminons ce paragraphe par des félicitations méritées !
La forêt qui entoure du château est entretenue, débroussaillée. Les abords sont engazonnés, l’herbe est coupée régulièrement, des rosiers et autres plantes d’agrément mettent les lieux en valeur. L’ensemble des ruines est accessible. Les escaliers sont entretenus, les rampes, solides, sont adaptées à tout public. Il est possible de monter en toute sécurité tout en haut du donjon. Une vaste table d’orientation panoramique permet de se repérer facilement. Et, l’accès au château, répétons-le, est gratuit.
Vraiment un grand bravo à l’association de la Burgruine Hohengeroldseck !
Un exemple à imiter !
- D. Specklin, les Collectanées, 1580
- B. Herzog, Chronicon Alsatiae, 1592
- F. E. Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres d’Alsace, 1909
Retrouvez les Geroldseck dans nos articles :
Le Grand Interrègne autour du Mont-Sainte-Odile
Le siège de Schwanau, guerre bactériologique ?
- Photographies des ruines, BrR & PiP
- Armes des Geroldseck
- Armes des évêques Frédéric et Ruprecht, publiées par Herzog
- Schéma des ruines, PiP
- Reconstitution des châteaux, Artur Hauptmann