Le chemin de fer forestier de la forêt de Barr
Au XIXème siècle, le commerce du bois était une industrie florissante dans les forêts vosgiennes. Le bois était descendu dans les vallées par schlittage. Les traîneaux fortement chargés dévalaient les pentes, dirigés par des hommes forts (et courageux). L’activité n’était pas sans risque et les accidents nombreux.
A Barr, le chemin de schlittage le plus important suivait la Kirneck, depuis le Welschbruch jusqu’à la vallée. A la fin du siècle, on trouve de moins en moins de volontaires pour ce travail risqué et la demande en bois ne fait que croître.
Les communes de Barr, Bourgheim, Gertwiller, Goxwiller et Heiligenstein décident alors de construire un chemin de fer pour descendre le bois des forêts. Le projet retenu est celui de l’Oberförster Rebmann, qui était également Président du Club Vosgien.
- 1887 - Début du chantier. La voie ferrée rejoint le Holzplatz et le Pfostenhiesel.
- 1888 - La voie est prolongée jusqu’au Welschbruch. Là, elle est connectée avec un tronçon existant depuis 1860 ‘le Schienenweg’ qui mène les trains jusqu’à l’aplomb de la Rothlach.
- 1889 – Inauguration officielle de la ligne, le 16 juillet. ‘Ein Fest wie noch nie’ nous dit le Barrer Kantonsblatt.
La ligne court sur une distance de 6300 mètres pour 445 mètres de dénivelé.
La pente moyenne est de 7%, mais elle est plus importante entre la route de liaison et la Pfostenhiesel, là où les virages sont les plus nombreux.
Les wagons sont de bois et peuvent porter jusqu’à quatre stères. Un système plus élaboré permet de descendre des troncs entiers d’une trentaine de mètres ! Les trains descendent la pente guidés par un seul homme, le Bremser, chargé de ralentir les convois pour négocier les virages. Il fallait près d’une demi-heure pour descendre un convoi. Le bois était alors déchargé au Holzplatz et convoyé par attelage de bœufs jusqu’à la gare de Barr.
La ligne n’a jamais été dotée de locomotive. Les wagonnets étaient remontés, à vide, à l’aide de chevaux. On comptait six voitures en 1887, leur nombre est peu à peu passé à seize.
Le projet devait coûter 63.000 marks selon le devis initial de l’entrepreneur. En fait, on aurait atteint plus de 100.000 marks de dépenses selon les détracteurs ! C’est une somme ! Le retour sur investissement fut fort discuté !
‘Ein kostspieliger Versuch, so zusagen, à fonds perdus !’ déclarait le Docteur Hecker, maire de Barr…
Pourtant c’est l’époque où de tels projets se multiplient dans les Vosges. On trouve des Waldeisenbahn à Masevaux, à Rothau, à Saint Quirin et à Abreschwiller.
En 1893 un projet d’extension vers le Hohwald voit le jour. On envisage même le transport de voyageurs. En 1904, il est question de motoriser l’ensemble. De rejoindre Sainte Odile….
Pourtant dés 1906, le petit train de Barr sera abandonné. Les nouvelles techniques permettent d’ouvrir des routes forestières qui atteignent les coins les plus reculés du massif. La route remplace alors le rail, comme le rail avait remplacé la Schlitt ! La Waldeisenbahn n’a pas vécu 20 ans
Située au bord de l’ancien Schlittweg, une petite fontaine porte l’inscription : AL 26 mai 1854. A.L. pour Atticus Laquiante. Atticus, quel prénom ! Atticus Laquiante appréciait les promenades en forêt, près de Barr. Un jour, Atticus voit des bûcherons se coucher à plat ventre pour boire à la source en bordure du chemin de schlittage. Il décide de capter la source et d’élever la fontaine. Voici la note rédigée à ce sujet par Charles Dietz, Maire de Barr, en 1854.
1854- août : Madame veuve Laquiante de Strasbourg , née Jeannot Eléonore fait construire dans la forêt au lieu-dit Steinernbarracken, près le chemin de schlittage, une fontaine de pierre de taille. Ce petit monument est érigé à la mémoire de son mari M. Laquiante Atticus Alphonse Auguste Jean Michel, ancien capitaine du génie, mort à Barr le 26 mai dernier. M. Laquiante aimait beaucoup le séjour de Barr et venait y passer l’été depuis plusieurs années. Il compatissait aux fatigues des bûcherons et était l’ami du pauvre. Il était très complaisant et aimait rendre service aux communes.
Vous pouvez facilement remonter l’ancienne voie de chemin de fer ! Départ du Holzplatz, au dessus de Barr. Le sentier longe la Kirneck. Les deux premiers ponts du petit train sont encore en place. Lorsque la route part dans un grand lacet à droite, vous continuez le long du ruisseau pour atteindre la Fontaine Laquiante. Quelques cent mètres plus loin, après la Pfostenhiesel, le sentier quitte la vallée et monte en lacets vers le Kienberg. Les levées empierrées du petit train sont encore bien visibles. Vous atteignez la route de liaison, qui emprunte l’ancien tracé des voies. Un peu plus haut, le sentier est au dessus de la D 426, jusqu’à la Welschbruch. Vous continuez en longeant le petit canal, jusqu’au Grand Breitenbach. Juste au dessus de l’extrémité de la ligne, l’auberge de la Rothlach est un lieu convivial apprécié des promeneurs.
A proximité, si vous souhaitez compléter votre promenade …. Le ‘sentier des chameaux’, ou bien le château de Birkenfels.(cliquez sur le lien )
Les nostalgiques des petits trains de montagne iront jusqu’à Abreschwiller où le Waldeisenbahn roule toujours, pour la joie de tous !
- A. Stehlé, La Fontaine Laquiante près de Barr, Les Vosges, 1936
- A. Stehlé, L’ancien chemin de fer forestier de Barr, Les Vosges, 1966
- Un des vieux chênes du Holzplatz
- Le tracé du train forestier, PiP
- La fontaine Laquiante
- Le train d’Abreschwiller, photo d’archives
- La voie sous les pins
Merci à Gabriel
qui m’a donné l’idée de cet article.
Et à Marcel qui nous organisé une belle marche sur site, voici quelques jours.
( Club Vosgien, Amis du Mont-Sainte-Odile )