Le roi David dans l’ Hortus Deliciarum
David règne environ soixante dix ans sur Israël. La légende de ce roi, guerrier, musicien et sage est longuement racontée dans la Bible, dans les Livres de Samuel. Herrade de Landsberg dans l’ Hortus Deliciarum n’a retenu que deux épisodes de sa longue histoire.
Le roi Saül est en guerre contre les Philistins. Ceux-ci présentent un champion pour les représenter dans un combat singulier : le géant Goliath qui défie l’armée entière, c’est un colosse ! Voici sa description dans l’Ancien Testament.
‘Des troupes philistines surgit un dénommé Goliath de Gat. Haut de six coudées et un empan, il était coiffé d’un casque de bronze et vêtu d’une cuirasse d’écailles de bronze qui pesait cinq mille sicles. Il portait des jambières de bronze ainsi qu’un javelot de bronze en bandoulière. Sa lance était faite d’une hampe grosse comme un cylindre de métier à tisser et d’une pointe en fer pesant six cents sicles.’
Vous le comprendrez, il se trouve peu de candidats dans l’armée de Saül pour combattre un tel homme ! Pourtant le roi a promis une de ses filles en mariage à qui vaincrait le colosse.
David est un jeune berger, pas même un soldat et, pourtant, c’est lui qui va affronter le géant.
Saül veut le vêtir d’une cuirasse et d’un casque de bronze, mais cet harnachement se révèle trop lourd pour le frêle jeune homme, qui part au combat, vêtu comme le berger qu’il est.
Le récit du combat entre David et Goliath est connu. Voici le texte de la Bible, Livre de Samuel :
‘Le Philistin se dressa et se mit à marcher vers David pendant que celui-ci montait rapidement au front, à sa rencontre. Plongeant une main dans sa besace, David y prit une pierre qu’il projeta à l’aide de sa fronde. La pierre frappa le front du Philistin et s’y enfonça : le Philistin tomba face contre terre.
Ainsi David avec sa fronde l’emporta sur le Philistin et son épée : d’un coup, sans épée, David l’avait abattu. Il courut près de lui, ayant tiré l’épée du fourreau, il l’acheva en lui tranchant la tête.’
Les deux dessins d’Herrade suivent fidèlement le texte de l’Ancien Testament. Le géant porte une cote de maille qui lui couvre tout le corps. Il est armé d'une lance, d'un bouclier et d'une épée. Le jeune David le touche au front avec sa première pierre, avant de lui couper la tête avec sa propre épée.
Herrade ajoute un commentaire de son cru : 'David significat Christum, Hic fortem Goliam funda ejicit, Dum diabolum sua humanitate vicit’.
Soit : David annonce le Christ, celui-ci évince le puissant Goliath avec sa fronde, il vainc le diable en se faisant homme. L’interprétation n’est pas des plus évidentes, mais la bonne abbesse de Hohenburg cherchait toujours à édifier de bonne façon ses chères moniales.
David n’est guère récompensé par le roi Saül. Il commence par le servir fidèlement, mais le roi est rapidement jaloux des nombreux succès au combat du jeune homme, qu’il cherche à éliminer. Le fils de Saül, Jonathan, s’est pris d’affection pour David, et le sauve de la colère du roi. David se fera chef de bande et protégera les pauvres gens contre les excès de Saül. L’amitié de David et de Jonathan est vive, les jeunes gens sont proches. Lors de la défaite de Guilboa, Saül et Jonathan sont tués. Voici les mots de David au sujet de son ami disparu.
‘Jonathan gît sur tes hauteurs
Que de peine j’ai pour toi Jonathan mon frère
Tu étais merveilleux pour moi
Exquise amitié plus forte que l’amour des femmes.’
Le Livre des Rois prend la suite du récit de Samuel dans l’Ancien Testament. Il nous raconte l’élection de David au trône, sa sagesse, ses nombreuses victoires, son excellente gestion du Royaume d’Israël. Les qualités de David sont reconnues de tous. Outre ses capacités guerrières et politiques, il est décrit comme un poète et un musicien. Une partie des Psaumes lui est attribuée.
C’est cette image du vieux roi qu’Herrade a choisi pour sa deuxième illustration de l’ Hortus Deliciarum.
David, couronné, est vêtu comme un empereur germanique, il est assis sur son trône et joue du psaltérion à l’aide d’un plectre.
Cette image du roi David musicien est reprise dans le Coran, où David est considéré comme un prophète majeur. Plusieurs sourates font allusion à sa capacité d'utiliser l'écho des montagnes et de commander aux oiseaux pour chanter les louanges de Dieu.
‘ Et Nous soumîmes les montagnes à Nous exalter avec David, ainsi que les oiseaux.’
Sourate XXI-79
‘ Nous avons accordé une grâce à David : Montagnes, faites-lui écho, ainsi que vous, les oiseaux’.
Sourate XXXIV-10
L’art roman a souvent choisi les mêmes thèmes qu’ Herrade de Landsberg pour représenter David. A quelques pas du Mont-Sainte-Odile, le portail de l’ Abbaye d’Andlau porte une sculpture, fort érodée, représentant le combat contre Goliath. Le géant est à terre, David est debout sur sa victime, il vient de jeter sa fronde, il va trancher la tête du colosse. Les sculpteurs d’Andlau avaient un don de la mise en perspective de leur sujet.
Au Musée de l’ Œuvre Notre-Dame à Strasbourg, vous trouverez un chapiteau du cloître d’Eschau avec David jouant de la harpe. Mais, ces deux thèmes sont traités dans bien des édifices, partout en France. Témoin, ce chapiteau de l’ Abbaye de Cluny.
Quant aux images de David et Jonathan, si proches, elles sont souvent plus tardives… et ne sont pas exposées dans les églises.
- Hortus Deliciarum, Herrade de Landsberg
- David et Jonathan, peinture de Cima de Canegliano,~1510
- David et Goliath, Abbaye d’Andlau
- David jouant de la harpe, Abbaye de Cluny
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