Dans le donjon de Rathsamhausen
Les travaux sont lancés depuis plusieurs semaines sur le bergfried du Rathsamhausen. Notre donjon circulaire est aujourd’hui équipé d’un immense échafaudage et l’équipe de la société Chanzy-Pardoux travaille à 35 mètres au-dessus des fossés. La végétation a été éliminée. Il y avait plus de 6 mètres cube de terre végétale au sommet de la tour ! Les pierres branlantes ont été déposées. Les archéologues d’Archéologie-Alsace ont posé leur diagnostic. Nous avançons !
Dans cet article, nous nous intéresserons à l’accès au donjon.
Rappel : Le chantier du donjon est interdit au public. Danger. Chute de pierres.
Lorsque le donjon circulaire a été érigé, au début de l’Interrègne, vers 1250, il était isolé du château roman. La deuxième enceinte ne fut édifiée qu’un peu plus tard, vers 1300. Voici un plan qui présente la situation de l’époque. En rouge, le château initial (~1200), en bleu le bergfried.
Le donjon étant une tour défensive, l’accès ne se faisait pas au niveau du sol. Pour trouver l’unique porte du bergfried, il faut lever les yeux ! Elle est située versant sud à une dizaine de mètres du sol. Voici un plan de coupe qui indique comment on accédait à la tour.
A partir du château, il fallait monter sur le chemin de ronde du logis roman, et puis, par un escalier de bois, un rien vertigineux, on accédait directement à la porte, sans passer par une bretèche. Notez que l’accès au deuxième étage du donjon-palais n’était guère plus aisé !
Dans le donjon de Rathsamhausen
La porte est plutôt étroite : 67 centimètres. On ne se croisait pas sur le seuil ! Elle est élégante, le linteau est posé sur coussinets, comme aux donjons de Kintzheim et de Frankenbourg. Elle donne accès à un étroit couloir ménagé dans l’épaisseur du mur (3,10 mètres). Celui-ci débouchait sur le plancher du premier niveau de la tour : une pièce circulaire de trois mètres de diamètre environ.
En dessous se trouvaient les oubliettes du château, où selon Silbermann, on aurait retrouvé un squelette enchaîné ( cliquez sur le lien ). Au dessus, se trouvent un étage intermédiaire et le plateau sommital de la tour. Nous décrirons le sommet dans un prochain article. Les niveaux du donjon étaient des pièces où on stockait munitions et réserves. Ils n’étaient pas habités. Chaque niveau n’est éclairé que par une fente d’éclairage, fort étroite, qui apportait peu de lumière. Le passage entre les niveaux devait se faire par des échelles de bois. Pas de trace d’escalier, comme on peut en trouver dans le donjon du Dreistein Occidental (cliquez sur le lien).
La porte du bergfried était fermée par un vantail de bois qui pouvait se verrouiller fortement. Une trappe ménagée dans le mur permettait d’effacer la poutre qui faisait office de verrou.
Curieusement, il semble que la porte du donjon ait été pensée indépendamment de celui-ci. Voici le relevé exact de la porte et du couloir effectué par Etienne et Sébastien, deux bénévoles de l’association.
Les discontinuités dans les rangées d’assises sont nombreuses autour la porte. Celle-ci a été dessinée indépendamment du reste de la tour, les pierres en ont été taillées et puis, il a fallu encastrer cette porte sur la tour elle-même. Voyez sur le schéma suivant.
Les assises du donjon sont représentées en noir, les pierres de la porte en bleu. Il a fallu tailler treize pierres de formes baroques et réaliser une sorte de puzzle pour poser la porte sur le donjon. L’architecte eût pu faire plus simple, non ?
Voici quelques éléments du puzzle.
Pendant ce temps-là, les châtelains voisins construisaient eux aussi un donjon circulaire. Voyons la méthode qu’ils ont adoptée pour l’entrée au donjon.
La porte est située environ à la même hauteur vis à vis du sol de la cour (~10m). Elle était précédée d’une bretèche, posée sur deux fortes consoles et deux corbeaux. La porte possède des dimensions comparables à celle du Rathsamhausen : environ 60 cm de large pour une hauteur de 1, 75 mètre. Au lieu des coussinets, on a préféré l’arc en plein cintre.
Voici le schéma de la porte du Lutzelbourg :
Les assises de la tour correspondent exactement aux dimensions des pierres de la porte : l’architecte du Lutzelbourg a grandement simplifié la tâche des tailleurs de pierres. L’ensemble est cohérent.
On remarque que de nombreuses pierres portent un trou de levage. Les bâtisseurs du Lutzelbourg devaient disposer d’un treuil et d’une pince pour soulever les blocs. Ceux du Rathsamhausen semblent avoir préféré l’utilisation d’une rampe. ( Voir à ce sujet le livre de C.L. Salch, La clef des Châteaux Forts d’Alsace, p.133-135 et p.342-343).
NB : au Lutzelbourg, seules les parties hautes du donjon et des murs boucliers portent des trous de levage. Pour les parties basses, ils utilisaient, comme leurs voisins, une rampe pour monter les pierres.
Les graffitis du couloir du bergfried
Portés en creux sur les parois du couloir, plusieurs graffitis ornent les murs. Nous avons relevé :
ICKW, HIN, IH.AKM…
Il s’agit sans doute des initiales de soldats ou de visiteurs de notre donjon. Tout proche de la porte, une inscription a attiré notre attention. Soignée, de facture ancienne, elle est datée !
WCVR
1738
Il s’agit, vraisemblablement, des initiales de Wolf Christof de Rathsamhausen, Rappelez-vous l’inscription qui orne la porte cochère de la Maison Forestière du Rathsamhausen.
WOLF CHRISTOF VON RATHSAMHAUSEN
HOFF - 1733
Wolf Christof est le seigneur qui, au début du XVIIIème siècle, voulut quitter les châteaux devenus trop incommodes et leur préféra une maison plus confortable et moderne. Elle est devenue ensuite
Maison Forestière. C’est lui aussi qui transforma le site en une ferme où il élevait des chevaux (cliquez sur le lien). Quelques années après son déménagement, Wolf Christof fit marquer la porte de son donjon par ses initiales.
- Photographies, EtF
- Relevé de la porte et du couloir, EtF et SeE
- Schémas, PiP
Merci à Etienne et Sébastien !