Le mur bouclier du Château de Dreistein
Le site du Dreistein est occupé par trois ruines médiévales.
Chacune possède un mur bouclier, celui du château du milieu est le plus imposant, le plus énigmatique aussi.
Le principe du ‘mur bouclier’ s’est diffusé, puis généralisé, au moment où sont apparues les grandes machines de guerre (après 1300). Du côté de l’attaque la plus probable, les courtines sont remplacées par un élément beaucoup plus épais destiné à mieux résister aux jets et aux sapes. Le plus souvent, les murs boucliers étaient une défense complémentaire au donjon, comme à Kintzheim ou à l’Ortenberg. Sur le site de Stein, les seigneurs des deux châteaux ont eu recours à ce type d’ouvrage, de part et d’autre du large fossé qui les sépare. Nous sommes au quatorzième siècle. Le site de Dreistein est, depuis le Grand Interrègne, partagé entre deux châteaux affrontés.
Côté oriental, la tour de siège est devenu une forteresse. Face à l’adversaire, le mur bouclier (1) est de facture très classique, plutôt étroit, massif et épais d’environ deux mètres cinquante.
Face à lui, à quelques trente-deux mètres, juché sur le rocher, un deuxième mur (2), celui du Dreistein du Milieu. Là, le mur bouclier remplace le donjon, inexistant dans le château du Milieu.
Le troisième mur bouclier (3) ne sera construit que plus tard lors de la partition du rocher occidental ( vers 1350).
Appuyé par le donjon du burg occidental, ce mur partage le rocher et délimite les deux châteaux.
Nous l’avons dit par ailleurs, le château du Milieu ne possède pas de donjon, la principale défense du château est assurée par un imposant mur bouclier massif, perché sur le rocher, au dessus du fossé, face au château ennemi. Treize mètres de long, près de trois mètres d’épaisseur, l’ouvrage est d’importance !
De prime abord, l’observateur est surpris de voir un tel dispositif, sensé assurer la défense, percé d’une porte et d’un vaste arc brisé, qui affaiblissent considérablement l’ensemble et ne semblent guère de mise dans un bouclier! L’arc brisé était plein et peut s’expliquer aisément : le mur bouclier repose, en fait, sur une vaste faille qui divise profondément le rocher en deux parties. Cet arc de décharge permet une meilleure répartition de la charge entre les deux blocs. Mais, il eût été plus efficace d’avancer l’ouvrage et de se tenir au plus près des fossés, comme le mur qui lui est opposé au Stein Oriental.
Lorsqu’on passe la petite porte pour entrer dans l’enceinte, on se retrouve dans un second arc de décharge, évidé, en plein cintre, décalé par rapport au premier et qui, lui aussi, affaiblit le dispositif…. Le mur bouclier ne serait-il que de façade ? De fait, si le côté extérieur du mur est un travail soigné à bossage régulier, l’intérieur montre une finition plus rustique avec plusieurs réemplois de matériaux.
La porte qui perce le mur mène sur l’avant du rocher, sur l’étroite plate-forme qui sépare le bouclier de l’à-pic du profond fossé. En effet, cette plate-forme, bien qu’en avant du mur de défense, était elle-même bâtie. Seules traces aujourd’hui visibles de cette construction, les six corbeaux situés au dessus de la porte et de l’arc brisé. Ces corbeaux devaient porter la structure extérieure. Le mur bouclier était lui-même protégé par un ouvrage avancé !
L’ensemble du dispositif est de toute beauté mais étonnant. La fonction de bouclier n’est pas des plus criantes, il semblerait que le seigneur du lieu ait plutôt voulu bâtir, en l’absence de donjon, un ouvrage de prestige qui se voulait impressionnant.
L’arche intérieure est une belle réalisation. Sa mise en place dénote d’un certain savoir-faire. En effet, la profondeur de l’ouvrage a nécessité deux claveaux : ceux-ci sont repérés par des marques de tacherons identiques pour les pierres se faisant face. Le montage de l’arc était ainsi facilité.
La face externe du mur présente également quelques signes lapidaires
( voir le relevé des signes lapidaires dans notre article dédié).
Sous l’arche intérieure, une niche est aménagée dans l’épaisseur du mur. Un passage « secret » menait du château, par la faille du rocher, jusqu’en bas dans les fossés. Aujourd’hui totalement éboulé le réduit n’est plus accessible. Ce passage est-il à l’origine de la légende du trésor du Dreistein ?
Lors de sa promenade du 5 septembre 1836, Louis effectue son premier dessin des Dreistein. Il choisit l’élément le plus marquant du site : le mur bouclier du château du milieu. Louis est assis à l’intérieur du château et représente l’arche et la petite porte qui donne sur le glacis. Le tracé est précis et le rendu exceptionnel ! Mais pourquoi a-t-on inventé la photographie ?
Retrouvez nos autres articles consacrés aux Châteaux de Dreistein !
( cliquez sur le lien )
- Mur bouclier du château du Milieu
- Position des trois murs sur le site, PiP
- Mur bouclier du château du Milieu
- Signes lapidaires de l’arche
- Dessin de Louis Laurent-Atthalin,1836
- Mur du château occidental et donjon, côté extérieur
- A. Lerch, Dreistein, châteaux du Mont-Sainte-Odile, 2002
- D. Demenge, Louis Laurent-Atthalin, au Pays de Sainte Odile, 2007