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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus Deliciarum

12 Janvier 2014 , Rédigé par PiP, vélodidacte

Nous avons consacré dernièrement un article à l’Enfer, tel que l’abbesse de Hohenburg, Herrade de Landsberg, le présentait à ses moniales du Mont-Sainte-Odile dans l’Hortus Deliciarum, ce magnifique codex du XIIème siècle. Aujourd’hui nous tentons un parallèle avec une œuvre toute aussi singulière : le tympan roman du portail de l’abbaye de Conques en Aveyron.

L’abbaye Sainte-Foy de Conques

L’abbaye est fort ancienne, et une chartre de Louis le Pieux datée de 819 serait le premier texte qui parle de Conques. En 866, les reliques de Sainte Foy sont translatées à Conques, et la fondation prend son nom actuel. La magnifique église romane que nous connaissons est construite entre 1040 et 1060 sous la direction de l’abbé Odolric. La sculpture du tympan de l’église s’est vraisemblablement étalée sur l’ensemble du siècle suivant. Lorsqu’on fait face au portail, la partie droite du tympan est consacrée à l’Enfer. En voici une vue d’ensemble !
Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus Deliciarum
Au moyen âge, le tympan était peint avec de fortes couleurs polychromes aujourd’hui, il ne subsiste que juste quelques traces… Les dimensions du portail sont impressionnantes et rarement égalées. Mais c’est surtout le style très particulier des sculptures qui retient l’attention. Très éloigné du style de Vézelay ou d’Autun en Bourgogne, de Beaulieu en Languedoc, Conques tient une place à part dans la sculpture romane.

La figure du Diable

Lucifer occupe le centre de l’Enfer de Conques. Lucifer trône, enchaîné, au plus profond de l’Enfer d’Herrade. Observez cependant les deux représentations. Même rictus, même chevelure, position analogue. N’est-ce pas étonnant ?

 

Lucifer dans l'Hortus Deliciarum et à Conques

Lucifer dans l'Hortus Deliciarum et à Conques

Sur le dessin de l’Hortus, les tourments infligés aux damnés le sont par une foule de démons à la chevelure dressée sur la tête et des rictus figés. Regardez le Diable qui garde l’entrée monstrueuse de l’Enfer à Conques ! La ressemblance est frappante !
Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus Deliciarum

Les thèmes de l’Hortus retrouvés à Conques

Certains pêchés sont traités dans les deux œuvres sont qu’on puisse rapprocher les styles, mais seulement les thèmes étudiés.
Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus Deliciarum   Les amants adultères, soumis aux flammes de l'enfer.


Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus Deliciarum Les beaux parleurs porteurs de faux discours, à qui on arrache la langue dans les deux œuvres.
Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus Deliciarum Les soldats en armure, mis à bas et torturés à leur tour.


Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus Deliciarum Les moines incroyants, plus attachés à l’argent, qu’ à la religion.

Les liens entre Hohenburg et Conques

La question est alors posée. Quel rapport entre les deux abbayes distantes de plus de huit cents kilomètres ? Nous trouvons peut-être un indice à Sélestat. En 1094, Hildegarde d’Eguisheim fonde à Sélestat un prieuré dédié à Sainte–Foy. La légende de Foy était connue en Alsace. Un an plus tard, les trois fils d’Hildegarde, les premiers Hohenstaufen alsaciens, dotent ‘royalement’ Sainte-Foy de Sélestat. Frédéric est duc de Souabe. Otton est évêque de Strasbourg. Louis, comte palatin. Suite à l’assassinat du dernier Eguisheim, l’évêque Otton est suspecté et même excommunié. Poussés par leur mère, les trois frères feront le pèlerinage de Conques. Nous sommes alors vers l’an 1100. Les princes pèlerins découvrent la magnifique église de l’abbé Odolric. Mais les sculptures du tympan ne sont pas encore en place. Toujours est-il qu’entre les Hohenstaufen et Conques, du fait d’Hildegarde, les liens sont tissés.
Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus Deliciarum Les Hohenstaufen n’accéderont à la couronne impériale qu’en 1155 : Conrad III, petit fils de la ‘Dame de Sélestat’ est alors élu empereur.
C’est sous le règne suivant, celui de Frédéric Barberousse, qu’Herrade, abbesse du Mont-Sainte-Odile, rédige et dessine l’Hortus Deliciarum. Les sculpteurs de Conques sont alors à l’œuvre et le tympan prend forme. Herrade a-t-elle eu sous les yeux les dessins des artistes de Conques ? Nous vous laisserons juger par vous même.

L’ Annonciation et autres parentés entre Conques et le Mont-Sainte-Odile

A Conques, le croisillon nord est orné d’une belle représentation de l’Annonciation. Comparez avec le dessin d’Herrade dans l’Hortus Deliciarum ! Quel artiste a inspiré son contemporain ?

Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus DeliciarumComme Odile, Foy guérit les aveugles. Il existe à Conques, comme sur le Mont une source miraculeuse, où les pèlerins viennent se baigner les yeux. Les miracles attestés sont nombreux !
Foy est également priée par les prisonniers. Elle intercède pour leur libération. Autrefois, au retour de leur captivité, les libérés venaient accrocher leurs chaînes aux murs de l’abbaye. Celles-ci furent fondues et on en fit les grilles du chœur de l’édifice actuel. Sur le Mont-Sainte-Odile, c’est à Niedermunster que les prisonniers venaient déposer leurs ‘menottes, chaînes, et autres monumenes’, nous dit Hugo Peltre. D’où la légende du pèlerinage de Richard Cœur de Lion sur le Mont.
Ces deux lieux, Conques et Hohenburg, sont plus proches que ne semble dire la carte présentée ci dessus.

Le portail de Conques et l’ Enfer de l’Hortus Deliciarum

Sources
  • G. Gaillard, Rouergue Roman, 1974
  • J-C. Wey, Hortus Deliciarum, 2004
  • S. Braun, Alsace Romane, 2010
Illustrations
  • Montages comparatifs,
    Conques-Hortus, PiP
  • Carte de situation avec la frontière France-Empire sous Frédéric Barberousse, PiP

 

 

Retrouvez nos autres articles consacrés à l'  Hortus Deliciarum

codex de l'abbesse Herrade de Landsberg. ( cliquez sur le lien )

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F
C'est amusant toutes ces similitudes!<br /> Une fois qu'on trouve des formules qui fonctionnent bien auprès du public, on peut les adapter ailleurs. Et ça marche, regarde MacDo ;)
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P
Chacun ses références.... consternant, le Franz !
C
Moi qui avait tant admiré le représentation frappante du Paradis et de l'Enfer du Tympan de Conques...cet article m'a bien intéressé...<br /> Et oh combien, le peuple a dû être consterné par toute cette imagerie...
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P
L'Eglise avait alors une fâcheuse tendance à se faire respecter par la terreur. Mais quel magnifique tympan !