Le Gothic pour les nuls
Parfois, nos yeux de vagabond se posent sur de vieilles pierres gravées. Les sentences ou les dates s’enroulent sur le support, l’écriture semble familière. Pourtant malgré son intérêt et sa curiosité, le lecteur peine parfois à comprendre. C’est la merveille de l’écriture gothique, si longtemps usitée en Alsace, et aujourd’hui oubliée.
Les dates sont les plus nombreuses. Alors, commençons par les chiffres. Il ont beaucoup évolué tout au long des siècles. Les formes ont varié, jugez-en !
Les ‘4’, les ‘5’ et les ‘7’ les plus anciens n’auront plus de secret pour vous.
Les jeux de caractères ont changé, eux aussi. Nous avons choisi de vous présenter le graphisme ‘FRAKTUR’, c’est le plus courant et il permet de déchiffrer la plupart des textes. Les minuscules sont assez proches de nos lettres d’aujourd’hui.
Cependant, méfiez vous des ‘s’ en milieu de mot ! Le 'x' et le 'y' peuvent dérouter.
Les majuscules sont déjà un peu plus problématiques. Mais, vous verrez, on s’y fait très bien.
Maintenant que nous voilà en possession de rudiments, passons aux travaux pratiques. Nous proposons quatre exercices qui correspondent à quatre pierres gravées relevées dans la Ville d’ Obernai. Et nous commençons par le plus facile pour terminer par un véritable casse-tête.
Le texte présenté se situe sur une stèle funéraire située derrière l’église d’Obernai. Il a été écrit en 1793, en période révolutionnaire.
C’est écrit en allemand, ce qui ne facilite rien. Pourtant, on comprend rapidement qu’il s’agit d’une épitaphe.
‘ Dem Redlicher Dominicus Speiser…’
Vous trouvez la solution complète et la traduction dans notre article : Euloge Schneider, un charmant garçon.
Un superbe puits Renaissance se dresse à proximité de l’Hôtel de Ville d’Obernai. Trois cartouches ornent le fronton de la margelle, ils ont été gravés en 1579. C’est donc un peu plus difficile à lire. Nous avons choisi le plus lisible Toujours en allemand, mais avec les formes propres à la Renaissance.
Il s’agit d’un verset de l’évangile de Jean. ‘ Jhesus antwurt zu dem Heydenschen weib…’
La solution complète se trouve dans notre article : Le Puits aux six seaux d’Obernai.
La Cour Fastinger est la plus belle d’Obernai. Elle fut un temps la propriété d’un certain Gyss qui était membre de la corporation des bouchers. Ceci explique la statue du bœuf, dans la cour. Le bâtiment se trouve dans la rue du général Gouraud. C’est à l’angle de la vieille maison que l’on trouve cette inscription.
Les caractères sont encore plus anciens, érodés. Pourtant, vous pouvez déchiffrer ‘Anno dni 1418’. ‘dni’ est l’abréviation de domini. Vous avez sous les yeux la date d’édification de l’édifice : ‘en l’an 1418 du Seigneur’ !
Terminons ce petit jeu par la plaque qui est la plus énigmatique de la Ville Impériale. Elle est aujourd’hui scellée à l’entrée du cimetière à l’ouest de l’église Saints Pierre et Paul.
Le cartouche date du même siècle que la pierre précédente, pourtant une lettrine beaucoup plus sophistiquée. Le sculpteur était un artiste ! C’est en latin. La lecture n’est pas aisée, et je n’ai pas réussi à déchiffrer l’ensemble du texte. Tentons malgré tout l’aventure.
La première ligne est accessible. ‘Ano-dni-m-cccc-lxv’ pour ‘Anno domini MCCCCLXV’ : ‘en l’an 1465’.
Sur la deuxième ligne, je déchiffre difficilement ‘Kilian’. En début de dernière ligne, ‘chori’…. Mais le texte reste un mystère pour moi : les mots sont brefs, peut-être des abréviations. Je ne sais....
Alors je me fais aider ( merci ) et voici le résultat :
Anno Domini MCCCLXV, in hic die Kiliani, lupis primus hujus chori rite positus est.
En l’an 1465, le jour de la Saint Kilian, a été posée la première pierre de ce choeur.
La pierre devait se situer dans l’ancienne église et commémorer le passage au style gothique du chœur de l’église Saints- Pierre-et-Paul.
L’étude des lettres et chiffres gothiques est empruntée au livre d’ A. Pierre, Initiation à la peinture polychrome d’Alsace, 1993.