La Tour du Gloeckelsberg
Les cyclistes strasbourgeois la connaissent bien. Isolée, posée sur une des rares éminences de la plaine d’Alsace, la tour du Gloeckelsberg présente une silhouette insolite, crénelée au dessus de Blaesheim. On la voit de loin. Nous allons retracer en quelques mots l’histoire de ce lieu chargé d’histoire.
Le village de Blaesheim est cité dans de nombreux textes dés le haut moyen âge. Comme souvent pour nos localités alsaciennes, le nom varie suivant les textes.
- Blaedinsheim, 1215
- Bledeszheim, un peu plus tard, les terres appartiennent alors aux couvents de Hohenburg et de Niedermunster
- Pledensheim, 1366, dans une chartre de l’empereur Charles IV en faveur de Groshans de Rosheim
- Bledesheim, 1372, lors du conflit entre Groshans de Rosheim et l’abbesse de Hohenburg.
- Bledensheim, 1442, sous les Bock, qui seront longtemps les seigneurs du village.
A cette époque, l’église du village était située en haut de la colline, et la tour que nous étudions aujourd’hui est le clocher de cette ancienne église Saint Blaise qui dépendait alors de la collégiale Saint Léonard, près de Boersch. Curieusement la carte de Cassini (1762) mentionne le nom de Saint Martin. Sans doute, le lieu de culte a été dédié consécutivement aux deux saints.
L’église connut bien des vicissitudes lors des différents conflits, puis fut peu à peu délaissée au profit d’une nouvelle église construite au centre du village. Seules les cérémonies liées aux enterrements se déroulaient encore à Saint Blaise peu avant la Révolution. Le cimetière du village est toujours situé sur le sommet de la colline. Il semble que la Terreur ait porté un coup fatal à édifice. Et Saint-Blaise est décrite comme en ruines en 1818. La municipalité décide de détruire la nef dès 1829. Par chance, avant la destruction du monument, Rinck avait effectué un dessin assez précis de l’édifice.
La tour était alors couverte par un toit en a double pente, qui a été remplacé par une plate-forme en 1873. Comme à Truttenhausen, on a lors doté la tour de créneaux, un rien surprenants. Un escalier de bois permettait au public d’accéder à la terrasse et d’admirer le panorama et la vue sur le Mont-Sainte-Odile.
Le nom de la colline semble faire allusion aux cloches de Saint Blaise. Pourtant les textes anciens donnent une étymologie bien différente.
On trouve tout d’abord les noms de Chrechilberch, (1144),Crekkilberg (1224) et Creckilberg. Les spécialistes rapprochent ces termes de ‘Krieche’, la prunelle…Nous serions sur le Mont des Prunelles.
Au treizième siècle, le nom se transforme en Klechelberg ou Cleckelberg. Les mêmes spécialistes proposent alors le rapprochement avec 'Kleckel', le battant de la cloche. Nous ne sommes plus loin du nom actuel.
Le nom de ‘Gloeckelsperg’ apparaît en 1609 sur la carte de Specklin.
Eglise plus ou moins délaissée, entourée d’un cimetière, lieu retiré du village, le Gloeckelsberg s’est trouvé presque naturellement mêlé aux procès de sorcellerie des XVI et XVIIèmes siècles. Le Gloeckelsberg était le lieu de rencontre des sorcières pour le sabbat. Marthe Philipp, dans son livre dédié au village, nous raconte le procès d’Apollonia Spener qui se tint le 27 mai 1616. Apollonia reconnaît avoir dansé au son du violon, la nuit, sur le Gloeckelsberg, avec le Diable ! Il était vêtu de noir et on l’appelait ‘Volant’. Bigre ! Torturée, la pauvre femme avoue, de plus, être la responsable de l’épidémie qui décime les troupeaux du village. Apollonia sera pendue en compagnie de sa fille.
Ces temps d’obscurantisme étaient terribles : en vingt ans, 1615-1635, cinq mille ‘sorciers’ seront brûlés ou pendus sur les terres de l’évêché de Strasbourg !
Blaesheim est facilement accessible à bicyclette, sur la piste qui relie Geispolsheim à Obernai, en site propre. Les derniers mètres pour accéder à la tour supposent un petit effort ! Mais le panorama vaut les derniers coups de pédale.
Les baies géminées
Au centre du cimetière communal, la tour se dresse, isolée. L’amateur appréciera les belles baies géminées à l’étage supérieur, même style, même position qu’à Bourgheim. De l’église romane ne subsiste que le linteau très ancien de l’entrée.
Aujourd’hui martelé, il présentait un agneau, nous dit-on. L’arc en plein cintre, qui donnait sur la nef, est orné de deux personnages primitifs, proches de la sculpture de la maison romane de Rosheim.
Au centre du village de Blaesheim, sur la place, ne ratez pas les cadrans solaires, posés sur un polyèdre d’Archimède !
( Cf. notre article sur les cadrans solaires du Mont-Sainte-Odile.)
Si la municipalité de 1829 nous a privés d’une belle église romane, elle a cependant eu la sagesse de sauver quelques éléments qui nous permettent de nous représenter l’église d’antan. Pour ce faire, allons, une nouvelle fois, visiter le Musée de l’ Œuvre Notre Dame à Strasbourg. Nous ne dirons jamais assez combien cette visite est agréable et surprenante. Allez-y !
Quatre chapiteaux et trois colonnes de la nef de l’église Saint Blaise ont été déposés au musée. Les chapiteaux sont sculptés d'animaux monstrueux, de sirènes, de palmettes et d'arbres stylisés. Selon les spécialistes, ils peuvent être datés des années 1100. Superbes !
Les chapiteaux de Blaesheim
- Photographies sur site, PiP et BrR
- L'église avant sa démolition, Rinck, 1864
- Dessin au crayon de la tour, Knauth, 1901
- Photographies des chapiteaux romans, PiP
- W. Guggenbuhl, Chronik des Dorfes Blaesheim, 1935
- R. Will, Répertoire de la sculpture romane de l’Alsace, 1955
- M. Philipp, Blaesheim, Histoire d’un village alsacien, 1995
- S. Braun, Alsace Romane, 2010
Merci et salut à Denis, qui m'a donné l'idée et la matière de cet article.