Saint Nicolas de Niedermunster
Voilà quelques jours, les Amis du Mont Saint Odile ont effectué le nettoyage d’automne des alentours de la Chapelle Saint Nicolas. Débroussaillage, élimination des genets, orties et autres plantes envahissantes. La petite chapelle perdue au creux du vallon a retrouvé, comme chaque année, son cadre paisible. Un grand merci à cette section du Club Vosgien, si efficace !
C’est pour nous l’occasion de vous proposer quelques images de ce lieu, rarement ouvert au public.
Selon le Manuscrit de Saint Gall, Odile a fondé le Monastère de Hohenburg, au sommet du Mont Sainte Odile. Emue de la difficulté pour les faibles et les infirmes de gravir le Mont, elle décide de fonder un hospice au pied de la montagne. Ce lieu d’accueil des pèlerins sera, bien entendu, doté d’une chapelle qui est dédiée à Saint Martin. Le site se développe et est apprécié des nonnes de Hohenburg : l’eau y coule abondante. Odile y fonde le deuxième couvent du Mont : Niedermunster.
Nul ne connaît la localisation exacte, ni la forme qu’avait cette première chapelle Saint Martin, lovée au creux du vallon. Selon Schoepflin, Bereschwinde, mère d’Odile, avait donné ses biens, sis à Boersch, pour assurer la construction et la vie de ce premier sanctuaire. Selon L. Levrault, cette église fut, un temps dédiée à Saint Léger.
Chapelle Saint Nicolas, vues extérieures
L’édifice que nous admirons aujourd’hui a été conçu quatre cents ans plus tard, lors de la magnificence des monastères de Hohenburg et de Niedermunster.
- 1178 - Herrade de Landsberg, abbesse de Hohenburg, dote le prieuré de Saint Gorgon.
- 1180 – Edelinde, abbesse de Niedermunster, achève l’église Sainte Marie de Niedermunster
- 1181 – Herrade crée la prévôté de Truttenhausen.
Les moniales travaillent à la rédaction de l’Hortus Deliciarum.
C’est dans ces temps de paix et d’opulence qu’ Edelinde construit la chapelle Saint Nicolas de Niedermunster.
Chapelle Saint Nicolas, intérieur
L’humble chapelle de l’hospice du Couvent du Bas est alors dédiée à Saint Nicolas, patron des voyageurs, sans pour autant oublier son premier patron, Saint Martin. Ce double patronat lui vaut une forme plutôt inattendue pour un si petit édifice : une chapelle à deux chœurs superposés.
La nef, munie de banquettes latérales, présente une voûte en berceau brisé. La pierre tombale d’un prieur est datée de 1512, au centre de la nef, munie de fenêtres latérales et d’un oculus en façade.
Les deux chœurs superposés sont logés dans la tour romane, les deux voûtes sont en plein cintre. Deux escaliers latéraux permettent d’accéder à l’étage. Le chœur inférieur est éclairé par trois petites fenêtres avec linteau en plein cintre, il présente deux niches murales. Le chœur supérieur propose, sous un arc en pierres de taille, deux niches murales et un bénitier.
Chapelle Saint Nicolas, le clocher
L’ensemble est simple, élégant. Le lieu, emprunt de quiétude et de silence, est propice au recueillement. Les façades de la chapelle sont ornées d’une frise lombarde. Le clocher de la tour s’ouvre par quatre baies doubles, à fines colonnettes, sur la forêt avoisinante.
La chapelle Saint Nicolas connaît la même histoire que le couvent de Niedermunster sans que les textes nous en apprennent davantage sur son sort propre. Passage des Grandes Compagnies, pillage de la Guerre des Rustauds, jusqu’à l’incendie de 1542 qui voit la fin du couvent et la foudre de 1572 qui détruit la collégiale.
Il semble cependant que la chapelle ait été respectée par les guerres, incendies, puis lors de la vente des matériaux de Niedermunster. En témoignent le schéma, daté de 1751, de Dionysus Albrecht (voir plus haut ) et les trois dessins de Louis Laurent-Atthalin. Louis passe l’été 1836 à Ottrott et nous laisse de magnifiques représentations de Saint Nicolas.
Dessins de Louis Laurent-Atthalin, août 1836
Sur la première vue, Louis présente l’ensemble de la chapelle. La frise lombarde est bien visible ainsi que l’oculus. Le clocher est à moitié ruiné. La végétation cerne l’édifice.
Le deuxième dessin montre la tour et le clocher vus de l’est. Les trois baies romanes du chœur inférieur sont bien visibles.
La dernière image est la plus prenante. On y voit l’intérieur de la chapelle, les deux escaliers et les deux chœurs superposés. Quel talent !
Terminons par une lithographie d’Engelmann, qui montre également la chapelle avant sa restauration. On ne distingue qu’une seule fenêtre au niveau du chœur inférieur. En arrière plan, Engelmann a dessiné la collégiale avant l’effondrement des murs du transept.
Peu après la visite de Louis Laurent-Atthalin, une dizaine d’années environ, les Monuments Historiques ont entrepris de reconstruire ‘à l’identique’ la chapelle Saint Nicolas. C’est le résultat de ce travail que vous admirez aujourd’hui. Les architectes Edouard Cron et Emile Boeswillwald ont présidé à cette restitution. Le travail a été effectué avec la plus grande précision. Témoin, ce relevé signé de Boeswillwald, des ferrures de la porte principale de la chapelle.
Deux détails diffèrent cependant des dessins de notre ami Louis. Les contreforts qui étayaient la chapelle n’ont pas été relevés. Ils n’étaient vraisemblablement pas d’origine et alourdissaient inutilement l’édifice. Deuxième point, la toiture a été réalisée à base de tuiles en écailles.
Le travail des Monuments Historiques de l’époque fut fort discuté en ce qui concerne les fouilles de la collégiale. (Cf. article de L Levraut).
Pour la chapelle Saint Nicolas, c’est un succès !
Jusqu’au début des années 2000, chaque printemps, la chapelle recevait, à l’occasion des Rogations, une procession qui descendait du Mont Sainte Odile. Une messe annuelle était alors servie dans l’humble chapelle, fleurie par les habitants des alentours. La tradition s’est perdue, voilà une dizaine d’années.
La chapelle est aujourd’hui fermée au public. Quel dommage ! Comme les ruines de Niedermunster, le site mérite une mise en valeur. Pourquoi ne pas l’ouvrir à l’occasion des Journées du Patrimoine, par exemple ? Les habitants de Saint Nabor et des environs seraient ravis de pouvoir admirer les lieux. Nul doute qu’au sein de l’A.M.S.O., quelqu’un pourrait assurer les visites !
L’édifice est actuellement dans un état satisfaisant. Un seul problème : l’étanchéité entre la toiture et la façade ouest est déficiente. A chaque orage, l’eau s’infiltre et inonde le mur ouest. Bien que n’étant pas spécialiste, après consultation, il ne me semble pas que le problème soit bien difficile à régler. Souhaitons que les propriétaires et responsables des lieux agissent rapidement.
- J.D. Schoepflin, Alsatia Illustrata, 1761
- L. Levrault, Sainte Odile et le Heidenmauer, 1853
- M.T. Fischer, La Vie de Sainte Odile Xème siècle, 2006
- D. Demenge, Au Pays de Sainte Odile, 2007
- Dessin de Dionysus Albrecht, 1751
- Louis Laurent-Atthalin, dessins de Saint Nicolas de Niedermunster, 1836
- Photographies de la chapelle Saint Nicolas, BrR & PiP
- Essai de restitution de l’hospice au XIVème
- Lithographie de Engelmann
- Détail des plans de ferrures, Boeswillwald, 1848
- La tapisserie de Sainte Odile ( Le manuscrit de Saint Gall )
- Les petites sœurs de Niedermunster
- Hortus Deliciarum, le manuscrit disparu
- Et notre série d’articles dédié à Niedermunster
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