Le crash du Lancaster NE164, près du Sägmühlmattel
Nous sommes le 28 juillet 1944. La deuxième guerre mondiale dure et perdure. Le débarquement de Normandie, l’avance des armées soviétiques sur le front de l’est annoncent la défaite ‘prochaine’ des armées nazies. Pourtant, la capitulation de l’Allemagne n’interviendra que 10 mois plus tard, le 8 mai 1945. Pendant cette période, l’aviation alliée prépare l’avance des armées terrestres par de terribles bombardements.
Cette nuit là, les usines Bosch situées dans la banlieue de Stuttgart sont la cible des alliés. C’est la troisième attaque de la semaine. Quatre cent quatre-vingt quatorze appareils de type Lancaster de la Royal Air Force décollent des bases du Yorkshire. Ciel couvert, les bombardiers britanniques survolent Rouen, Orléans, Strasbourg. Altitude 6000 mètres. Le bombardement a lieu peu après une heure du matin. Les usines allemandes sont touchées, la gare de Stuttgart et la Poste également. Le centre ville est en flammes.
Pourtant, à cette date, les forces allemandes, quoique diminuées, se montrent encore fort dangereuses : cette nuit, cinquante trois bombardiers anglais sont abattus par la chasse et la DCA allemandes. Trente huit autres sont endommagés, mais rentrent en Angleterre. Parmi les avions touchés, le Lancaster NE164.
Surnommé ‘Lanc’, l’Avro 683 Lancaster est un bombardier britannique fabriqué pendant la deuxième guerre mondiale pour l’armée du Royaume-Uni. Il sera fabriqué plus de sept mille appareils de ce type. Equipé de moteurs Rolls-Royce, 22 mètres de long, 31 mètres d’envergure, le ‘Lanc’ vole à vide à 450 kms/heure, en charge à 300 kms/heure environ, et ce à une altitude de six kilomètres. Il peut transporter de 6 à 8 tonnes de bombes.
L’équipage est de sept hommes, l’avion peut être équipé de plusieurs mitrailleuses de 7,7 mm.
Dans cette vague de 494 appareils du 28 juillet 1944, le NE164 décolle à 21 heures 36 de l’aéroport de Killinghome. A son bord, sept jeunes hommes.
- H. Jones, pilote, 23 ans
- F.H. Habgood, sergent
- J.R. Drury, sergent, mécanicien
- D. Hunter, sergent, radio
- R.B. Cumberlidge, mitrailleur
- I . Williams, mitrailleur, 21 ans
- W. Dinney, canadien
Quatre heures plus tard, l’avion largue ses bombes sur Stuttgart. Et, c’est au retour qu’il est attaqué et touché par un appareil allemand. Il est 1 heure 32, le ‘Lanc’ est intercepté au dessus de Strasbourg par le Messerschmitt Me110 de l’Oberleutnant Hanneck. L’aile droite de l’appareil est en feu, et le pilote Jones perd de l’altitude. Le drame est inévitable, l’avion s’écrase auprès du Mont-Sainte-Odile, entre le Sägmühlmattel et la maison forestière de Willerhof, là où une stèle rappelle ces évènements tragiques.
Jones et Williams n’ont pu s’éjecter en parachute et sont tués dans le choc consécutif au crash. Ils reposent aujourd’hui dans le petit cimetière d’Ottrott-le-Bas.
Drury, Hunter et Cumberlidge s’en sortent sains et sauf, mais ils sont arrêtés par les Allemands. Ils finiront la guerre dans un camp de prisonniers en Pologne.
Le canadien Dinney aura plus de chance : il se réfugie au Couvent du Mont-Sainte-Odile et sera exfiltré par la Résistance.
Le sergent Habgood a réussi à sauter lui aussi, il se réfugie d’abord à Ottrott. Mais la Gestapo veille et le sergent, peut-être dénoncé, sera capturé et conduit au camp du Struthof, au dessus de Schirmeck. Conclusion terrible : Habgood est pendu par les SS le 31 juillet.
En 2013, Donald Hunter, le radio du Lancaster qui avait été prisonnier en Pologne, décède. Soixante dix ans après le crash de l’avion, ses cendres seront, selon sa volonté, dispersées sur les lieux du drame, près de la stèle du Lancaster. C’était le 30 juillet 2014.
Nous sommes tous touchés et émus par le sort de ces jeunes hommes, engagés dans une guerre terrible.
Ayons également une pensée pour les innocents morts sous les bombes alliées lors de la Libération. Les bombardiers volaient à 6000 mètres d’altitude et la précision des tirs était bien illusoire. Par exemple, en mars 1942, le bombardement des usines Renault à Boulogne-Billancourt avait fait 371 morts, dont 56 enfants.
Les huit tonnes de bombes du Lancaster NE164 ont-elles toutes touché les usines Bosch ? Que de victimes !
La construction européenne est fort critiquée ces derniers temps. Elle a cependant apporté la paix à notre continent qui ne l’avait, jusqu’alors, guère connue.
- Plaque de la stèle du Lancaster
- Article DNA, 11 mai 2008
- Article DNA, 30 juillet 2014
- Andrew Knapp, Les Français sous les bombes alliées 1940-1945
- Photographies des lieux, PiP
- Image du Lancaster, trouvée sur le net
Merci à Angèle qui m'a fait découvrir cette histoire.