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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

Porphyre, carbonifère et chapelle Saint Jacques

28 Juillet 2017 , Rédigé par PiP vélodidacte Publié dans #petits riens

La chapelle Saint-Jacques est située au dessus des ruines de l’Abbaye de Niedermunster au pied du Mont Sainte Odile. Les ruines de l’humble édifice religieux sont apaisantes, on aime à s’y poser quelques instants. Nous avons déjà consacré deux articles à l’histoire et aux légendes qui entourent ce lieu étonnant : ‘Les petites sœurs de Niedermunster’ (cliquez sur le lien) et ‘L’arrivée de la Croix à Niedermunster’. Nous allons revenir aujourd’hui sur les deux rochers qui dépassent du sol de la chapelle. Mais ceci est une bien longue histoire.

Porphyre, carbonifère et chapelle Saint Jacques
La formation des Vosges selon PiP
Ere Primaire

Remontons le temps de quelques années, nous voici à l’ère primaire, plus précisément avant le carbonifère, il y a 400 millions d’années. Voici une carte approximative des lieux.

Carte du monde, voici 400 millions d'années

Carte du monde, voici 400 millions d'années

  • Deux continents que les géologues appellent Gondwana et Laurentia-Baltica sont séparés par un océan appelé Thétis. Les schistes de Villé et de Steige sont le résultat de la sédimentation de cet océan. Nous autres, Vosgiens, nous sommes sur Laurentia. Les continents dérivent l’un vers l’autre. La mer se retire vers l’est, et les deux continents se percutent. Sous le choc, Laurentia se soulève et c’est la formation d’une immense chaîne de montagnes : la chaîne hercynienne qui s’étire sur six mille de kilomètres des Appalaches au Caucase. Bigre !

Les Vosges sont une partie de cet immense ensemble de montagnes. Elles doivent alors ressembler à ce que nous voyons dans les Alpes. C’était il y a 400 millions d’années. Fichtre !
Comme vous pouvez l’imaginer, un tel choc de deux plaques continentales engendre de nombreux phénomènes volcaniques : les basaltes de Raon l’Etape datent de cette époque.

  • Au dévonien (390 MA), on assiste au retour d’une mer peu profonde qui envahit les vallées.
  • Au carbonifère (350 MA), nouveaux phénomènes volcaniques et apparition des granites dans les Vosges. Des profondeurs, la lave remonte en surface. Lorsque le refroidissement est lent : on obtient des granites, lorsqu’il est rapide on obtient des diorites et des porphyres. Près de chez nous, datent de cette époque la diorite du Neuntelstein et celle du Hohwald, le granite de Fouday, le granite du Kagenfels. Et puis, encore plus près du Mont Sainte Odile, un volcanisme plus acide crée les porphyres de Saint Nabor. Nous y reviendrons plus avant.
  • Au permien (290 MA), une érosion intense donne lieu à la formation des grès permiens et des grès rouges. L’érosion est telle que le massif est devenu une surface plane au début de l’ère secondaire.
Ere Secondaire

Trias (245 MA), Jurassique, Crétacé… l’ère secondaire se traduit par une période intense de sédimentation : c’est la formation du grès des Vosges.

Ere Tertiaire

La formation des Alpes conduira au relèvement des Vosges, l’érosion sera telle que les granites sont exhumés. Après une courte période de glaciation et les Vosges prennent l’aspect que nous connaissons aujourd’hui.

Voilà, en quelques mots ce que j’ai compris de l’histoire des Vosges telle qu’elle m’a été rapportée par une de mes proches, géologue. Je la remercie pour ces cours particuliers et j’espère ne pas avoir dit trop de bêtises. (Je me base sur les notes claires et précises qu’elle m’a laissées). Merci, petite sœur !

Porphyre, carbonifère et chapelle Saint Jacques
Le porphyre de Saint-Nabor

La carrière de Saint-Nabor est aujourd’hui fermée. La pierre exploitée alors avait des caractéristiques physiques et chimiques hors du commun : forte résistance à la compression et à l'abrasion. Les produits de la carrière étaient utilisés à la fabrication de granulats (pour les routes) et de balast (voies ferrées, TGV).

 

Porphyre, carbonifère et chapelle Saint Jacques

Sur cette carte géologique du Mont, on reconnaît en violet les grès dits ‘poudingue de Sainte Odile’ qui longent, comme le Mur Païen, le bord du plateau. En rose, les grès roses ; en brun, les dépôts du dévonien, entre grès et piémont. Les carrières de Saint-Nabor exploitaient la couche de porphyre située sous ce dévonien. Pour une bonne compréhension de la suite de cet article, nous avons situé la chapelle Saint Jacques sur cette carte.

Le terme porphyre est le mot le plus utilisé lorsqu’on parle des roches de  Saint-Nabor. Les géologues emploient cependant des termes plus scientifiques : rhyolites, ignimbrites et pyroclastes. Diantre ! Nous nous en tiendrons au porphyre. En fait comme nous le disions plus haut, il s’agit d’une pâte, une roche volcanique qui s’est formée dans le carbonifère. Noire, elle comporte des cristaux de feldspath.

 

Porphyre de Saint Nabor

Porphyre de Saint Nabor

La chapelle Saint-Jacques

Mais que vient faire notre petite chapelle dans cette histoire ?
Résumons les paragraphes précédents… Ere primaire, à la fin du carbonifère, les porphyres de Saint -Nabor se forment. Ere secondaire, ils sont recouverts de sédiments. Ere tertiaire, l’érosion les découvre peu à peu… Ces couches de porphyre sont bien connues aujourd’hui du fait de la longue exploitation des carrières.
Le petit promontoire où se dressent les ruines de notre chapelle est situé à un kilomètre au sud des carrières, à une altitude de 570 mètres. C’est une petite colline peu marquée, au flanc de la montagne. La plupart des rochers qui la couvre sont des blocs de grès. Pourtant, sur cette petite hauteur, par endroits, le porphyre affleure. Sans doute, l’érosion s’est montrée plus intense sur le sommet situé à découvert. Là, sur la butte, deux rochers plus importants dépassent franchement du sol. Ils sont de porphyre.
Ces deux monolithes ont du impressionner nos ancêtres bien avant le christianisme. Deux pierres levées, différentes de celles qui les entourent. Voilà au moins un objet d’étonnement. Peut-être en ont-ils fait un de ces lieux de cultes anciens et aujourd’hui oubliés. Les constructeurs du Mur Païen venaient-ils se recueillir devant ces pierres ?

 

Les deux blocs de porphyre de la chapelle Saint Jacques
Les deux blocs de porphyre de la chapelle Saint Jacques
Les deux blocs de porphyre de la chapelle Saint Jacques
Les deux blocs de porphyre de la chapelle Saint Jacques

Les deux blocs de porphyre de la chapelle Saint Jacques

Toujours est il que lorsqu’au douzième siècle, Edelinde de Landsberg relève l’Abbaye du Bas, l’abbesse de Niedermunster s’intéresse à cette petite colline. Elle décide d’y élever une chapelle romane. Pourquoi à cet endroit perdu ? Le souvenir d’un culte païen, peut-être même sa survivance auprès des gens du peuple, a pu peser sur la décision d’Edelinde. Les gens des villages se regroupaient-ils encore autour des pierres levées au 12ème siècle ? Nous ne saurions le dire. L’abbesse a peut-être voulu ‘christianiser’ un site païen, c’était chose courante à cette époque… Si c’est le cas, la force des traditions devait être encore bien présente. En effet, alors qu’il eut été plus facile de faire raser les deux pierres, ou de les noyer dans le sol de la chapelle, Edelinde a décidé de les préserver. La chapelle Saint-Jacques est toute de grès construite. Le dallage de grès itou est aujourd’hui encore bien en place, bien visible, régulier. Et de ce sol dépassent nos deux blocs de porphyre.  Etonnant, non ?

La Chapelle Saint Jacques
La Chapelle Saint Jacques
La Chapelle Saint Jacques
La Chapelle Saint Jacques
La Chapelle Saint Jacques
La Chapelle Saint Jacques

La Chapelle Saint Jacques

Certains ont voulu voir ici un hommage aux deux bosses du chameau, qui, un jour, dit-on, apporta la Grande Croix Reliquaire de Niedermunster. (voir notre article détaillé, cliquez sur le lien). Il semble bien que cette explication ait pu être forgée a posteriori pour effacer, un peu plus encore, l’histoire réelle des lieux. L’Eglise ne répugnait guère à certaines affabulations.

Magnétisme, tellurisme et bien-être

De nos jours, les promeneurs munis de pendules, radiesthésistes et autres ‘scientifiques’ des diverses radiations cosmiques ou autres, sont légions. Alors, bien entendu, en toute impartialité, nous les avons écoutés avec politesse et attention. Saint Jacques serait, comme bien d’autres endroits du Mont, un endroit tellurique, et les radiations seraient bienfaisantes. Bigre !

 

Porphyre, carbonifère et chapelle Saint Jacques

Nous devons avouer que nous ne sommes guère convaincus.
Sans nous encombrer de pendules ou d’autres instruments dits ‘de mesure des ondes X ou Y’, promenons sur les sentiers du Club Vosgien (balisage de triangles rouges à partir de Saint Nabor). Montons allégrement vers la Chapelle Saint-Jacques. Je ne sais vous dire quelles sont les ondes que vous rencontrerez, mais je peux vous dire que, comme moi, vous y serez bien.
Et puis, vous pourrez y toucher du porphyre vieux de 390 millions d’années ! Et çà…

Illustrations
  • Photographies PiP
  • Carte géologique d’Alsace (BRGM)
  • Carte du monde au carbonifère, selon Matte

Pour en savoir plus sur l’abbaye de Niedermunster, son histoire et ses légendes…
Cliquez sur le lien

Merci Alix !

 

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