Les châteaux d’Ottrott en 1911
Un ami proche, sympathique, AmChOtt de surcroît, m’a obligeamment prêté un petit ouvrage en deux tomes intitulé ‘Les ruines des Vosges’. Ces deux volumes brochés ont été édités en 1911 par la maison d’édition Berger-Levrault. Nous y consacrons un court article centré, bien entendu, sur nos châteaux d’Ottrott.
Les ruines des Vosges, par Emile Wagner
Emile nous propose deux volumes faciles à lire. Les premiers chapitres couvrent des thèmes généraux : nos châteaux, les méthodes de construction, l’armement des chevaliers, la vie au château, la hiérarchie féodale. C’est bref et donne un petit aperçu. Les études plus récentes sont beaucoup plus complètes et remettent parfois en cause les affirmations d’Emile.
Ensuite Emile consacre quelques pages à chacune de nos forteresses vosgiennes. Plus de quatre-vingt châteaux. Chemin d’accès, court descriptif, suivi d’une approche historique plus ou moins développée. Certains châteaux semblent avoir particulièrement intéressé Emile qui leur consacre un véritable chapitre, alors que d’autres sont traités plus brièvement. Le château de Turquestein, par exemple, bénéficie d’un traitement fort complet. Les châteaux les plus emblématiques sont accompagnés par une ou deux photographies de l’époque.
Les châteaux d’Ottrott, en trois photographies
La première image est une vue d’ensemble du site. Les deux ruines sont photographiées à partir du chemin qui monte à l’Elsberg. La grande brèche du Rathsamhausen est bien visible, la Maison du Lutzelbourg porte son toit quatre pentes. La prise de vue a eu lieu avant 1898.
La deuxième vue concerne le donjon-palais du Rathsamhausen. La brèche bée largement. Le logis est plus haut de quelques mètres qu’aujourd’hui. La barbacane est envahie par une végétation fort drue. Le mur du jardin de la maison forestière, au premier plan, est propret.
Pour représenter le Lutzelbourg, Emile a choisi, comme beaucoup de ses contemporains, la porte à pont-levis qui domine la rampe d’accès. Celle-ci est déjà envahie de genets et autres broussailles. Les faux-mâchicoulis sont fort bien éclairés.
Les Châteaux d’Ottrott, le texte d’Emile Wagner
Emile semble avoir beaucoup apprécié les lieux. Sa description des ruines est imagée, pleine de digressions. Emile est resté de longues heures aux châteaux. Par contre la partie historique est congrue : une dizaine de lignes nous donne tout juste la liste des familles ayant résidé aux châteaux, rien de plus. Le lecteur intéressé se tournera plutôt vers le livre vendu par les AmChOtt : ‘Châteaux d’Ottrott, leur histoire, leur devenir’. (vraiment très bien écrit, simple, facile, complet, nombreuses illustrations….www.amchott.fr).
Notre ami Emile ne nous apprend pas grand-chose, cependant il nous surprend par un poème placé en exergue de son article.
Je vous aime, ô débris, et surtout quand l’automne,
Prolonge en vos échos sa plainte monotone.
Sous vos abris croulants je voudrais habiter
Vieilles tours que le temps l’une vers l’autre incline,
Et qui semblez de loin sur la haute colline,
Deux noirs géants prêts à lutter.
Bigre ! Victor serait venu à Ottrott ? Fichtre !
Le dernier vers de l’extrait proposé me permet d’en douter. 'Deux noirs géants' ? Notre grès des Vosges, notre poudingue de Sainte Odile serait plutôt d’un rose légèrement ocré, non ? Non, Victor Hugo n’est pas monté sur le Mont Sainte-Odile.
Après quelques recherches, le texte de Victor est le début d’une ode publiée en octobre 1825 et dédiée à ‘une jeune fille’. Ah! Victor est alors bien loin de l’Alsace, il décrit alors les ruines du château de Monfort - l’ Amaury, proche de Paris. Voici une vue des dites tours de Montfort.
Vous notez, comme moi, que nos châteaux d’Ottrott ont bien meilleure allure ! Notre ami Emile Wagner ne devait pas connaître Montfort, et était simplement sensible à la poésie de Victor Hugo. L’ode complète est composée de sept strophes de six vers. Laissez-moi vous proposer ma préférée :
Foulant créneaux, ogive, écusson, astragales,
M’attachant comme un lierre aux pierres inégales,
Au faite des grands murs je m’élève parfois ;
Là je mêle des chants au sifflement des brises ;
Et dans les cieux profonds suivant ses ailes grises,
Jusqu’à l’aigle effrayé j’aime à lancer ma voix !
Superbe !
Puisque nous en sommes à parler poésie, dans la préface de son ouvrage, Emile Wagner cite un poète alsacien : Hr. Starkhans. Je ne résiste pas à vous proposer ce texte. Les derniers vers sont particulièrement piquants : nos anciens n’étaient point sots et savaient dès 1911 ce que nous vivons aujourd’hui.
Merci à mon ami Pilou.