Goesli von Ehnheim
Les Minnesaenger étaient les trouvères de langue germanique. Leurs poésies parlaient d’amour aux nobles dames. Le plus célèbre de ces poètes alsaciens est Meister Gotfrit von Strasburg qui nous a laissé l’immense ‘Tristan et Isolde’, source de l’œuvre de Wagner.
Goesli von Ehnheim était un chevalier qui résidait à Obernai au XIIème siècle. Sa famille est souvent citée dans les textes municipaux de l’époque.
A la fois chevalier et minnessaenger, il ne nous reste de ses écrits qu’un seul poème, un rien coquin, dont voici la première strophe.
‘Sit der winter hinter ist
So wird wunneklich besungen
Wald heid anger bluende ouwe uberal
Gen dem.. morgen sorgen lant ir jungen
Sit vrilichen stet entsprungen
Viol Iilien rosen bluomen alle wal
Singent vogellin so sing ich der sueszen
Miner frouwen schouwen und ir grueszen
Mag mir sendü leit und truren bueszen.’
Vous trouvez, en annexe, la traduction de l’ensemble de la chanson de Goesli. Le début de la 4ème partie n’est pas évident. Ma traduction est peut-être erronée, j’ai retenu l’idée d’un médiéviste bavarois : le prévôt serait une sorte de général Hiver…
Homme de lettres et d’épée, Goesli participait également aux tournois organisés en Alsace. On le voit dans cet article sur deux enluminures conservées aujourd’hui à Heidelberg dans le « Codex Manesse ». Goesli porte, sur son heaume, les armes des Ehnheim : un perroquet vert.
Ehnheim, le village sur l’Ehn, puis Ehenheim est l’ancien nom d’Obernai.
La Chanson de Goesli
Depuis que l’hiver s’en est allé,
Partout on entend des chants ravissants.
Dans les forêts, les landes et les prairies en fleurs,
Dès le matin, oubliez vos soucis, jeunes gens !
Soyez joyeux !
Les oiseaux chantent partout
Les violettes, les lys et les roses.
De même, je chante en admirant ma douce Dame
Et en la saluant, j’oublie les chagrins qui me déchirent
Et ma tristesse.
Mes mérites d’amoureux sont bien minces
Et c’est pourquoi je supplie ma gente dame
D’accéder rapidement à mon désir ardent.
Puisque mes yeux n’ont jamais vu qu’elle :
Ils l’adoraient dès ma plus tendre enfance
Et cet amour constant est monté dans mon cœur.
Son rire sait changer ma tristesse,
Je veux m’engager envers celle qui est si claire et si vraie,
Elle seule peut chasser mes malheurs.
Mes sens brûlent de désir
Pourtant je n’oserai jamais exprimer ces tourments
dans mes discours.
Si elle venait à l’apprendre, alors elle me renforcerait.
Est-ce ce qu’il faut me souhaiter, gente Dame ?
Pour me consoler enfin.
Si je refrénais ma raison,
Et si elle m’acceptait
Et ce serait tout à son avantage.
Aujourd’hui le prévôt a traversé la lande en fleurs
Avec ses troupes en armes,
Ecoutez mugir le vent
Dans les bois, sur les champs,
Nul ne peut l’ignorer :
La verdure, les roses
Et les fleurs se meuvent
Tant il est déchaîné.
Vous le voyez aussi bien dans les magnifiques prairies,
Que dans la gêne des petits oiseaux
Qui ne chantent plus pour nous,
La froide neige les a contraints à se taire.
Et moi, je chante encore ma gente Dame !
Elle est pure et de plus de haute lignée
Celle que j’ai choisie pour femme.
Une rose et non une vulgaire épine.
Elle s’est plantée dans mon cœur
Avec les autres femmes, c’est vrai !
Elle est pure et parée de toutes les vertus
Et même si je devais vivre mille ans
Je voudrais le lui témoigner chaque jour
Chaque jour rechercher ses faveurs
Si elle daignait m’ accorder l’honneur
De devenir son chevalier servant.
Quelle serait alors ma joie si je pouvais obtenir cela !
Celle que je veux servir
Ne me prépare que bonheur et délices !
A jamais ! Je ne devrais vivre sans autre but
Que l’avoir pour femme.
Mon cœur est déjà prêt,
Mais je ne lui ai pas encore présenté ma demande.
La regarder est un plaisir,
Très pur et très précieux,
Mais ce n’est pas victoire
Et je garde bien à l’esprit
Que si j’étais plus courageux que je ne suis,
Alors, je commencerais par me déclarer.
Traduction PiP