L’histoire de la Bretzel selon l’Hortus Deliciarum
‘Le’ bretzel est cette petite chose innommable, incongrue et indigeste, vendue outre-vosges par paquets dans les supermarchés. ‘La’ bretzel est une spécialité alsacienne succulente. Ce pain, à la forme amusante, agrémente nos apéritifs et repas. Il nous vient de loin, de très loin si on en croit Herrade de Landsberg.
Fréquemment, la tradition fait remonter la bretzel à l’année 1477.
‘Un boulanger de la cour aurait si mal cuit son pain qu’il fut jeté au cachot. Pour un tel crime, le verdict était l’exécution publique. Mais on accorda au boulanger la possibilité d’échapper à la sentence s’il inventait, sous trois jours, un pain au travers duquel le soleil brillerait trois fois. En fâcheuse posture, le boulanger imagina un pain décoré, réalisé à la main sans moule. En croisant les deux extrémités d’un ruban de pâte, il forma trois trous et sauva ainsi sa tête !’
D’autres sources se veulent étymologiques : en alsacien, le mot ‘bretzel’ indique le temps de repos. Et la forme de la bretzel représenterait la position des bras croisés lors de la pause.
Le dictionnaire allemand Meyers Großes Konversations-Lexikon, publié à Leipzig en 1905, se veut plus savant et fait remonter la bretzel au concile de Leptines convoqué par Charlemagne en 743 dans le Hainaut.
Diese heidnischen Gebäcke (Heidenwecken, in Thüringen Hornaffen), zu denen auch das in Eberform gebackene Weihnachtsbrot (Julagalt) gehörte, wurden auf dem Konzil von Leptinä (743) den Christen verboten. Wahrscheinlich erhielt damals die Bretzel die Form zum Gebet verschlungener Arme statt der eines vierspeichigen Rades und davon den Namen (bracellum, Ärmchen).
Comment s’y retrouver, tiraillé entre ses doctes sources contradictoires ?
Une fois de plus, plongeons-nous dans l’Hortus Deliciarum de notre chère Herrade.
Herrade de Landsberg a commencé la rédaction de l’ Hortus vers 1160, le précieux codex comportait de nombreuses illustrations de scènes bibliques. La Parabole des Invités est tirée des évangiles de Matthieu (Matthieu 22,1-10) et de Luc( Luc 14,15-24). Les invités sous des prétextes fallacieux ne viennent pas au banquet qui leur est offert. L’hôte fait alors venir des pauvres et des mendiants pour partager son repas de fête. ‘Certes la multitude est conviée, mais peu sont élus’. Matthieu nous dit que les taureaux et des bêtes grasses sont servies. Le dessin d’Herrade nous montre curieusement un repas de poissons. Mais, en extrémité de table, oh surprise ! une bretzel !
Herrade connaissait dès 1160 notre bretzel ! Enfoncée l’anecdote de 1477 ! De plus, la parabole est contemporaine du Christ, notre bretzel aurait alors plus de 2000 ans ! Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises !
Herrade a dessiné plusieurs autres scènes de banquet. L’histoire du pauvre Lazare et du mauvais riche est contée par Luc (13,19-30). Herrade lui consacre trois miniatures. Sur la première, la table est mise, repas de poisson, gobelets, galettes de pain, mais pas de bretzel.
Herrade nous propose également le dernier repas du Christ avec les apôtres. Jésus, ressuscité, aide les siens lors d’une pêche miraculeuse dans le lac de Tibériade. ( Marc 6,14 et Jean 21,15-19). Puis, il partage leur repas. Le Christ est représenté avec ses stigmates et auréolé. Tous les apôtres sont assis à la gauche du Christ, et sur la table, on retrouve un repas de poisson. Près de Jésus, Jean est à l’écoute, à l’autre extrémité de la table, Pierre. La bretzel est absente.
Une autre miniature attire notre attention par la présence de notre breztel alsacienne ! Il s’agit du banquet organisé par Esther pour sauver Mardochée de la traîtrise du vizir Amon. (Ancien Testament, Esther 7,1-3). Servis par un esclave, on voit à table Mardochée coiffé du chapeau pointu des juifs du temps d’Herrade. A sa droite, la reine Esther, le roi et le vizir Amon. A droite de l’image, Amon démasqué est pendu sur l’ordre du roi. Sur la nappe, plusieurs plats de poissons sont servis, des gobelets, des galettes et une bretzel !
Le mari d’Esther, selon la Bible était le roi Xerxès Ier. Xerxès serait mort en 465 avant JC. Notre bretzel était donc connue voilà 25 siècles ! Bigre !
Pour conclure cet article, peu sérieux, une dernière image de l’Hortus. Herrade nous propose le repas offert par Salomon lors de la visite de la Reine de Saba, qui reste éblouie par le faste du monarque. Salomon reçoit les évêques, à sa table siègent également deux convertis. Sont servis un repas de poissons et deux bretzels ! Nul doute, le poisson se marie excellemment avec la bretzel et, pour Herrade de Landsberg, ce sont aliments de fêtes et de réjouissances ! Notons que Salomon est mort en 931 avant JC. Ce qui reporte la naissance de la bretzel à plus de 2944 ans !
Gloire et longue vie à nos bretzels alsaciennes !
La bretzel était connue d’ Herrade, c’est certain. Pour ce qui est de sa présence dans la Bible, Herrade avait en sa possession des bibles latines. Dans ces textes, on retrouve à plusieurs endroits les mots ‘ torta panis’. Livre des Rois, Samuel, Jérémie… Torta panis… des ‘pains tordus’ ? Notre bonne Herrade y aura retrouvé la bretzel de sa table des jours de fêtes.
NB : selon les historiens plus sérieux que nous même, le ‘torta panis’ serait plutôt une tourte enrichie de figues, on est alors fort loin de la recette alsacienne …
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