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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

La grande bretèche du Dreistein

22 Juillet 2013 , Rédigé par PiP,vélodidacte

Dans le haut moyen âge, la bretèche est une petite construction de bois que l’on accroche à l’extérieur d’un mur de façon à mieux assurer la défense de celui-ci. Elle peut être associée à une porte de l’enceinte dont elle assure la sécurité ou destinée à protéger un angle mort à la base des remparts pour éviter l’approche des sapeurs ennemis. Ces fonctions seront, plus tardivement, assurées d’abord par les hourds, placés sur les créneaux des chemins de ronde, puis par les mâchicoulis. Les bretèches sont le plus souvent de petites dimensions, légères, et destinées à recevoir un, voire deux archers qui protègent par leurs tirs les endroits faibles d’un rempart. De nos jours, les seules traces qui subsistent de ces constructions de bois, sont les corbeaux sur lesquels elles étaient posées. Tous les châteaux du Mont-Sainte-Odile possédaient de multiples bretèches.
Sur la face nord du Stein Oriental, la grande bretèche était hors norme. Contrairement à la face sud largement ouverte avec les baies, la face nord du château oriental est presque aveugle. Juste quatre meurtrières à la base du mur éclairent la salle basse. Aux étages supérieurs, trois bretèches étaient accrochées aux murs. La plus occidentale, située, tout en hauteur, au troisième niveau à l’angle du mur bouclier, protégeait les latrines. Au deuxième niveau, deux autres bretèches sont plus basses, et visent à fermer l’angle mort de la courtine nord. La petite est des plus classiques, et cache les latrines du niveau de la salle d’apparat. La grande bretèche est de toute autre facture.


Les aquarelles d’Imlin

De tout temps, ses dimensions ont frappé les imaginations. Les représentations les plus anciennes à notre disposition sont deux aquarelles dessinées par E.F. Imlin. Elles sont datées de1815 et 1818. Le dessin présenté en premier montre la face nord de l’ensemble du site des Dreistein. Les ruines sont déjà envahies par la végétation. Les différentes bretèches des burgs sont bien visibles.

La deuxième aquarelle détaille le château oriental. On y voit, nettement soulignées, les consoles de la grande bretèche ainsi que les corbeaux à crochets qui soutenaient sa toiture. Bizarrement, Imlin ne dessine que quatre consoles, alors qu’elles étaient au nombre de six, dont deux encore bien visibles aujourd’hui. La plus occidentale est toujours en place, mais brisée. Lors de l’étude d’ A.Lerch, en 2002, cinq consoles étaient encore en place. Depuis la partie orientale du mur s’est effondrée et les consoles gisent dans les fossés. Sur le dessin, on distingue l’ancienne porte d’accès à la bretèche, murée. Cette porte a aujourd’hui également disparu. Imlin a représenté une des quatre archères de la salle des gardes. La fenêtre double, sous la bretèche, semble avoir été imaginée par le peintre. A cette place et à cette hauteur, elle est pour le moins improbable.

La grande bretèche

Les six énormes consoles ont une section de 45 centimètres sur 30. Elles débordent du mur d’enceinte de 75 centimètres. Pour plus de stabilité, elles reposent sur des corbeaux plus courts qui dépassent également du mur. C’est exceptionnel.
La construction de bois avait plus de sept mètres de long, vraisemblablement près d’un mètre de large pour une hauteur de près de trois mètres. Ces dimensions sont inédites et font de cet ouvrage une véritable tour extérieure, accrochée aux flancs du château.
L’explication de cette construction étonnante et présentant de réelles difficultés de réalisation est l’exiguïté du rocher sur lequel est posé le Stein Oriental. La courtine nord court le long du rocher, à l’à-pic de celui-ci. Construire une tour à partir du sol était impossible, laisser un tel angle mort au pied du rempart était bien dangereux, les seigneurs de Stein ont fait construire cette bretèche hors du commun. De nombreux archers pouvaient s’y tenir et défendre la rampe d’accès du burg.

Son intérêt stratégique

Aujourd’hui, le promeneur accède à la partie haute du château par un sentier aménagé par le Club Vosgien à partir du fossé sud. L’accès est certes facilité, mais trompeur. En effet, à partir des fondations encore visibles, il est possible de reconstituer les parties basses de la forteresse.
L’accès se faisait par le nord, le chemin courrait au pied des remparts nord, contournait le donjon à l’est, avant de rejoindre la basse-cour et ses écuries. Une deuxième porte se trouvait sous le donjon. La cour était dominée par la tour barbacane avec la citerne du château. Pas moins de quatre portes avant d’atteindre le château haut, son palas et le donjon.
La bretèche domine de plusieurs mètres le chemin, peu après la première porte : elle protégeait donc l’entrée et l’angle mort du rempart nord. Ceci explique le soin et les moyens mis en œuvre par les Rathsamhausen.


La reconstitution proposée est basée sur l’étude d’A. Lerch et C.L. Salch. Les travaux de T. Biller et ceux de J.M. Rudrauff donnent des résultats analogues, au moins pour le Stein oriental que concerne cet article.

Sources
  • E.F. Imlin, Vogesische Ruinen und Naturschönheiten, 1821
  • J.M. Rudrauff, Un château méconnu et menacé le Dreistein, 1981
  • A. Lerch et C.L Salch, Les châteaux de Dreistein, 1989
  • T.Biller, Der frühe gotische Burgenbau im Elsass, 1995
  • A. Lerch, Dreistein, Châteaux du Mont Sainte Odile, 2002
Illustrations
  • Les petites bretèches du Stein Oriental
  • Stein Oriental, vue d’ensemble, côté nord
  • Aquarelle d’Imlin, le site du Stein, côté nord, 1818
  • Aquarelle d’Imlin, le Stein Oriental, côté nord, 1815
  • Schéma de la bretèche, PiP, basé sur les relevés d’ A. Lerch.
  • Essai de reconstitution du Stein Oriental, PiP
  • Les deux consoles rescapées
  • Accès à la petite bretèche

( Photos PiP )

 

Retrouvez nos autres articles consacrés aux Dreistein

( cliquez sur le lien )

 

Console de la Grande Bretèche du Stein Oriental

Console de la Grande Bretèche du Stein Oriental

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Commenter cet article
A
The great gatehouse of Dreistein is a very historically important place. We should prese4rve and save such historically important places from damage. The world heritage status should be provided to the gatehouse as a way to protect this place.
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F
Et oui, c'était pas de la tarte d'attaquer un château fort! Ils devaient pas faire les malins les assaillants...<br /> Mais dis-moi, quelle est la différence entre une bretèche et une barbacane?
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P
La bretèche est accrochée en aplomb des lieux à défendre.<br /> La barbacane est un ouvrage avancé défensif qui protège l'entrée du burg. <br /> La bretèche est de bois, la barbacane est de pierres et percée de meurtrières.<br /> Au Dreistein, seule la barbacane du château du milieu est conservée. <br /> (Il y avait une erreur dans le schéma du Stein proposé, les termes ont été corrigés. Merci de cette remarque pertinente ! Quelle acuité dans la lecture ! merci !)