Les petites sœurs de Niedermunster
A deux pas de l’abbaye ruinée de Niedermunster, sous le Mont-Sainte-Odile, deux chapelles perdues semblent oubliées au creux du vallon. Entre prés et forêts, le site est attachant et porte aux rêveries. Allons rendre visite aux chapelles Saint-Jacques et Saint-Nicolas.
Toute deux sont datées du douzième siècle, au temps où l’abbesse Edelinde de Landsberg relève l’Abbaye du Bas et construit Niedermunster III, son cloître et son hospice. Les deux petites chapelles sont de style roman et présentent une architecture simple et dépouillée.
La chapelle Saint-Nicolas était située au centre de l’hospice où les moniales soignaient et réconfortaient les pèlerins de Niedermunster. Dés la création de l’abbaye, Sainte Odile avait souhaité cet accueil, et il semble que déjà au tout début de l’histoire de Niedermunster, une chapelle, dédiée à Saint Léger, puis à Saint Martin, ait été élevée dans l’hôpital. La chapelle Saint-Nicolas en serait la continuatrice.
Le petit sanctuaire a connu le sort de Niedermunster, et le site fut abandonné après les grands incendies du XVIème siècle. Délaissée et tombée en ruines, elle est reconstruite entre 1848 et 1850 par les Monuments Historiques. Seuls les contreforts de la nef n’ont pas été relevés.
La chapelle Saint-Jacques est liée à la belle histoire de la Croix de Niedermunster. Dans un autre article, nous avons raconté la légende de cette Croix apportée de Bourgogne par cinq chevaliers à l’aide un chameau. Selon Hugo Peltre, une fois la mission accomplie, le chameau reste à l’abbaye et les cinq chevaliers décident de se retirer pour fonder un ermitage proche de Niedermunster. Ils y resteront là jusqu’à leur mort et leurs reliques, d’abord vénérées à Saint-Nabor, sont aujourd’hui à Notre-Dame-des-Ermites en Suisse. Pour commémorer cet épisode important de Niedermunster, la chapelle Saint-Jacques a été élevée, trois siècles plus tard, à proximité de cet ermitage. Délaissée, comme sa voisine, au XVIème siècle, elle servit ensuite de bergerie et même de maison d’habitation. Elle n’a pas été relevée, et seule la campagne de consolidation en 1859 a permis de sauver le site.
Construites à la même époque, d’importance sensiblement égales, les deux chapelles étaient chacune dotées d’un clocher. Il semble Saint-Jacques, comme sa sœur, ait été cernée de murs de protection. Cependant les deux sanctuaires comportaient des différences importantes.
Magnifique, la nef de la chapelle Saint-Nicolas est couverte par une voûte en berceau, alors qu’à Saint-Jacques, la nef comportait deux travées avec des voûtes d’arête. Le chœur était couvert d’une voûte d’ogives, Aux quatre coins du chœur, les piliers et leurs chapiteaux ont été remis en place. On reste surpris par le peu de hauteur de l’ensemble. Peut-être est-elle due à une restauration imparfaite. La lithographie de J.N.Karth dont nous publions un extrait montre également une fenêtre assez large, mais était-elle d’origine ? Les baies de la chapelle Saint-Nicolas sont étroites et correspondent plus aux ouvertures de l’époque.
L’élément le plus étonnant à Saint-Nicolas est le double chœur. Deux chœurs superposés avec deux escaliers latéraux pour rejoindre la partie supérieure, sous la voûte en berceau brisé. Cette disposition, dans un édifice de cette taille est extrêmement rare. L. Levrault affirme que les deux autels étaient consacrés à Saint Nicolas et à Saint Martin. Admirons le dessin qu’en fit Louis Laurent Atthalin en 1836, avant la restauration.
La chapelle Saint-Jacques recèle un mystère surprenant. A l’extrémité de la nef, deux rochers sortent du pavement du sol. Deux rochers bruts, le plus important atteint une hauteur de soixante dix centimètres. L’image est des plus insolites: deux grosses pierres dans une chapelle. Pourquoi l’abbesse a t-elle laissé ces deux rochers dépasser du sol de la nef ? C’est encombrant et mal pratique dans un si petit sanctuaire. Il eut été facile aux carriers d’éliminer les blocs, il eut été aisé de placer la chapelle un peu plus haut, ou un peu plus bas. Non, c’est intentionnellement qu’ Edelinde a choisi cet endroit et a enjoint aux bâtisseurs de respecter ces pierres, de construire la chapelle autour d’elles. Pourquoi ?
Les historiens du XIXème nous disent peu de choses. Même H. Peltre, si disert, ne mentionne pas les rochers. Le prieur de Truttenhausen devait pourtant bien connaître les lieux. Silence gêné ? Le chanoine N. Schir qui sauva les ruines en 1859 s’interroge sans donner d’explication.
Le Mont-Sainte-Odile, comme bien des sommets vosgiens, était occupé longtemps avant l’arrivée des chrétiens. Le Mur Païen en reste le témoignage colossal. Ces peuples avaient leurs croyances. Les deux petits mégalithes de la Chapelle Saint-Jacques étaient peut-être un des lieux de culte du Mont-Sainte-Odile, comme la Grotte des Druides ou le temple circulaire du sommet, souvent cité mais dont il ne reste rien.
A maint endroits, l’ Eglise naissante a respecté les croyances anciennes. Plutôt que de vouloir les effacer, elle les a intégrées dans les siennes. L’ Abbesse Edelinde aurait alors choisi ce petit promontoire et ses rochers ‘sacrés’ pour installer une chapelle perdue au fond des bois et asseoir la tradition des cinq chevaliers et du chameau apportant la Grande Croix de Niedermunster. D’ailleurs ne raconte-t-on pas que les deux rochers seraient les bosses de l’animal ?
Le site de Saint-Jacques était un lieu de culte bien avant la construction de la petite chapelle. Les chevaliers avaient choisi un site merveilleux pour installer leur ermitage.
Nota : La chapelle Saint Jacques est en danger. Très proche de la route et d’un centre de vacances, elle est peu respectée, voire vandalisée. Les photos du début du siècle dernier prouvent que les murs ont perdu plusieurs dizaines de centimètres de hauteur en quelques années. Que faire ?
L’accès aux chapelles se fait à partir de Saint Nabor. L’automobiliste trouve un parking à proximité de l’abbaye de Niedermunster. Le cycliste doit s’attendre à une belle côte. Saint-Nicolas est visible de la petite route. De là, le marcheur rejoint facilement les ruines de Niedermunster. Malheureusement elles sont cernées d’un affreux grillage, non accessibles et peu visibles. Quelques minutes sur un chemin balisé en forêt suffisent pour atteindre Saint-Jacques. Les plus courageux poursuivront par la Source de Sainte Odile et atteindront le couvent qui domine l’ensemble du vallon de Niedermunster.
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- Hugo Peltre, la Vie de Sainte Odile, vierge, 1699
- Silbermann, Beschreibung von Hohenburg, 1781
- Louis Levrault, Sainte Odile et le Heidenmauer, 1854
- Françoise Deluzarche, Histoire de la chapelle Saint-Jacques, SHADBO 1999
- Saint-Jacques, le chœur
- Détail de la lithographie ‘Chapelle Saint-Jacques’ de J.N. Karth, 1830
- Saint-Nicolas, dessin de Louis-Laurent Atthalin, 1836
- Plan des deux chapelles, PiP
- Saint-Jacques, un des rochers de la nef
- Plan de localisation des chapelles, PiP
- Saint-Jacques, chapiteau du chœur
- Saint-Nicolas, colonnette du clocher
- Saint-Nicolas, vue d’ensemble