Parc de la Léonardsau à Boersch
1971, Claude Chabrol cherche une belle demeure dotée d’un grand parc pour tourner ‘La décade prodigieuse’. Le film sera réalisé à la Léonardsau, dans l’ancienne résidence des De Dietrich.
Orson Welles joue le rôle de Théo Van Horn, propriétaire des lieux. Marlène Jobert est sa jeune épouse Hélène, Anthony Perkins son fils Charles, sculpteur. Les intrigues, le chantage, les drames, meurtres et suicides vont se dérouler pendant dix jours sous le regard de Paul, professeur de philosophie, joué par Michel Piccoli.
Le film ne connut pas le succès, pourtant l’intrigue et la mise en scène sont attachantes. L’atmosphère et la personnalité effrayante de Théo vous marquent, Charles et Hélène nous touchent. De plus, c’est une belle occasion de contempler la Léonardsau, pleine de vie, ainsi que les environs Boersch, Obernai, Dambach…
L’intérieur de la demeure présentée dans le film est une reconstitution de Chabrol, un décor. Le mobilier, les tapisseries, les collections de faïences des De Dietrich ne sont plus que souvenirs. Seuls subsistent les éléments qui n’ont pu être déplacés : kachelofen, cheminée, boiseries, vasque de marbre, encadrements de portes, hauts reliefs, fresque de Charles Spindler.
L’édifice est un pastiche de la Renaissance. Il fut réalisé vers 1900 en plusieurs étapes et, de ce fait, peut sembler composite. Grès et boiseries, sculptures sur pierre et sur bois, éléments d’anciens édifices, colombages. Belle richesse du décor. Les deux colonnettes gothiques qui entourent le portail principal proviennent de l’ ancienne église d’Obernai. L’ensemble est varié, agréable, mais c’est surtout la façon dont la demeure est intégrée dans le parc qui plait et fascine.
Le Parc de la Léonardsau est un lieu idyllique, d’un profond romantisme. La propriété de neuf hectares fut aménagée par Edouard André pour le baron de Dietrich. Aujourd’hui, son calme, son côté sauvage en font une promenade d’exception, loin de la foule dans un décor superbe. Les nombreuses allées permettent de découvrir un parc varié aux essences diverses, les alignements ouvrent des vues sur le château, et bien entendu sur le Mont-Sainte-Odile. Laissez vos pas vous mener et découvrez le parc.
- Le jardin à la française présente de beaux massifs de buis taillés qui entourent un bassin et des statues.
- Le jardin italien est d’esprit baroque. Sous les fenêtres du château, sur plusieurs niveaux, il allie escalier et bassins à fond bleu.
- Le jardin japonais est un mariage curieux de rocailles, de bassins et d’arbres nains.
- L’allée des ifs descend vers le fond du parc.
- La roseraie apporte ses bouquets de couleurs.
Une petite pièce d’eau, une cascade, des bassins donnent au parc une touche de fraîcheur. L’eau provient de l’Ehn. Depuis le moyen âge, un canal de dérivation, le Boerscherbach, amène une part des eaux de l’Ehn vers la collégiale Saint-Léonard et la Ville de Boersch. La prise d’eau se fait en amont d’Ottrott, au Kupferhammer. Outre la collégiale et la ville, le canal alimentait moulins, tanneries et les douves des remparts, en complément des eaux de la Weidasch. Sur le ban de Boersch, on comptait trois moulins dans la Ville et cinq extra muros. (cf. le livre d’ A. Grau, très complet sur ce sujet. )
Dans le parc, les vases en fonte ornés de fleurs proviennent, à n’en pas douter, des usines de Dietrich.
Quelques images du parc !
- Avant 1789 - Les prairies sont propriétés de la collégiale Saint-Léonard. A cette date, s’installe une blanchisserie spécialisée dans les toiles de lins. Le linge était étendu sur l’herbe et arrosé à l’eau claire après lavage. Equipée d’un fouloir, la blanchisserie fonctionnait avec l’eau du canal. Le surnom de ‘la Bleich’ donné au quartier au début du siècle dernier provient de cette activité. C’est pour éviter le vol des draps, la nuit, que la propriété a été cernée de murs. Une des cinq guérites des gardiens a été conservée dans l’angle est, en direction d’Obernai.
- 1869 - L’établissement ferme et le terrain passe à la société Couleaux ( repreneur de l’ancienne Manufacture d’Armes de Klingenthal.)
- 1896 - Vente au Baron Albert de Dietrich qui construit le château et le parc.
Dernier représentant d’une famille de banquiers et maîtres de forges, bientôt spécialisés dans le matériel ferroviaire. Albert de Dietrich (1861-1956) est collectionneur et amateur d’art. Il est l’arrière-petit-fils de Frédéric de Dietrich, maire de Strasbourg lors de Révolution Française, chez qui fut joué pour la première fois le Chant de l’Armée du Rhin, qui deviendra la Marseillaise. Nous avons parlé de Frédéric de Dietrich et de sa triste fin dans notre article dédié à Euloge Schneider. (cliquez sur le lien )
- 1914-1918 - Siège de l’Etat major wurtembergeois
- 1940-1944 - Comme plusieurs résidences proches d’Obernai, le domaine devient une annexe de la Nachrichtenschule des SS. Disparition des œuvres d’arts et du mobilier du baron.
- 1950 - Albert de Dietrich vend la propriété au général Gruss qui l’habite jusqu’en 1968. Depuis lors, la propriété appartient à la ville d’Obernai.
Une piste cyclable relie le centre d’Obernai au domaine de la Léonardsau. C’est le moyen le plus agréable de rejoindre, à travers champs, le parc et ses environs.
A proximité directe, visitez la petite ville de Boersch. Ses remparts ont conservé trois portes médiévales. Ses lavoirs, son puits renaissance, le village est charmant.
Ne manquez pas de marquer une halte à la collégiale Saint-Léonard et sa chapelle Notre Dame des Neiges aux Chênes. A deux pas, le calvaire renaissance, si finement croqué par Louis Laurent Atthalin.
La collégiale abrite la marqueterie Spindler.
- J. Gyss, Histoire de la Ville d’Obernai, 1866
- A. Grau, Chronique de la Ville de Boersch, 1952
- J. Braun, Résidences dans la campagne , SHABDO, 1974
- M. Ameur, les moulins de Boersch, Bersa, 2007
Les personnes intéressées peuvent consulter avec profit le site des ‘Amis de la Léonardsau et du Cercle Saint-Léonard’. Elles y trouveront des descriptions plus approfondies et les biographies détaillées de la famille De Dietrich. Cette association redonne vie à la Léonardsau : expositions, concerts, théâtre. On lui doit la récente remise en fleurs de la roseraie. Grand merci.
- Orson Welles et Claude Chabrol, à la Léonardsau ( à l’arrière plan, Marlène Jobert ), 1971
- Château de la Léonardsau, salle alsacienne du baron De Dietrich, source SHABDO 1974
- Plan schématique du parc de la Léonardsau, PiP
- Photographies du parc, PiP