La naissance de Jésus selon Herrade de Landsberg, selon la Bible et le Coran
Les représentations de la naissance du Christ sont nombreuses. En Occident, les crèches de Noël connaissent un succès toujours renouvelé. Chaque pays, chaque région possède sa vision, son image, plus ou moins typique, de la naissance du Christ. Que nous disent les textes anciens ? Et comment Herrade a-t-elle traité le sujet dans l’Hortus Deliciarum ?
Seuls deux Évangiles traitent de la naissance de Jésus. Jean et Marc ne disent mot. Mathieu et Luc n’écrivent que quelques lignes.
Voici le texte de Mathieu
‘La naissance de Jésus eut lieu à Bethléem, en Judée, sous le règne d’Hérode. Un jour, des astrologues vinrent d’Orient jusqu’à Jérusalem. Ils demandèrent : Où est le nouveau-né, roi des juifs ? A l’est, nous avons aperçu son étoile et nous venons nous prosterner devant lui.
Ces mots troublèrent le roi Hérode, et tout Jérusalem avec lui. Le roi réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour les interroger. Où est le christ qui doit naître ? demandait-il ? Et on lui répondait à Bethléem, en Judée, comme le prophète l’a écrit :
Et toi Bethléem, terre de Juda
Tu n’es pas la moindre des capitales de Juda
Car tu donneras à mon peuple d’Israël son berger,
Celui qui le gouvernera.
Hérode fit venir en secret les astrologues pour se faire préciser le moment où l’étoile leur était apparue. Puis il les envoya à Bethléem : Partez, leur dit-il, tâchez de connaître l’endroit exact où se trouve l’enfant. Quand vous serez fixés, revenez me voir. Je veux moi aussi me prosterner devant lui.
Après avoir entendu les paroles du roi, les astrologues se mirent en route. L’étoile aperçue en Orient allait devant. La vue de l’étoile les transporte de joie. Ils entrent dans la maison, voient l’enfant, avec Marie sa mère, Ils se prosternent, lui rendent hommage. Ils ouvrent les trésors apportés et lui en font cadeau. Or, encens et myrrhe : c’est pour lui. Mais un songe les mit en garde. Ils ne devaient pas revoir Hérode. Ils rentrèrent donc chez eux par un autre chemin.’
On le voit Mathieu ne donne aucun détail sur la naissance. Il préfère se concentrer sur la réaction inquiète du roi Hérode, qui dépêche trois ‘astrologues’ pour connaître l’endroit où se trouve l’enfant. Cet Évangile annonce la tradition des rois mages, qu’ Herrade traite fort joliment dans l’ Hortus, mais ce n’est pas le sujet de ce jour.
Venons-en à l’Évangile de Luc, le seul à apporter quelques précisions.
A cette époque, César Auguste promulgua un édit ordonnant le recensement de tous les pays, Ce fut le premier recensement de tous les pays. Ce fut le premier recensement que l’on fit sous le gouvernement de Quirinius en Syrie. Tous se faisaient recenser dans sa ville natale.
Pour cela, Joseph est monté de Galilée, de la ville de Nazareth, jusqu’en Judée, à Bethléem, la ville de David, étant de la maison de David, en compagnie de Marie, sa fiancée, enceinte.
Des jours passèrent. Arriva le moment de la mise au monde. Elle a donné naissance à un fils, le premier-né. Elle l’a emmailloté et l’a couché à l’abri d’une étable. Il n’y avait plus de place pour eux dans l’auberge.
Près de là, des bergers passaient la nuit dehors à veiller sur leurs troupeaux. Un messager du seigneur vient près d’eux. ..
Joseph et Marie, enceinte, doivent se déplacer à l’occasion d’un recensement. Ils se rendent à Bethléem, où Marie accouche dans une étable, faute de place à l’auberge. La naissance est annoncée aux bergers voisins des lieux.
On le voit le texte est bref, dépouillé. Les termes d’ ‘auberge’ et d’ ‘étable’ varient suivant les traductions de la Bible. Luc ne dit rien de plus. Notre image de la crèche, avec le bœuf et l’âne, est absente de la Bible. Il faudra attendre bien des années, et le Protévangile attribué à Jacques le Mineur pour que l’histoire merveilleuse se développe. Le voyage de Joseph et Marie est raconté avec force détails dans les chapitres 17 à 21. Marie voyage sur une ‘ânesse’ et elle accouche dans une ‘caverne’ à proximité de Bethléem, dans le désert.
L’histoire au fil des siècles gagnera en détails. Et voici, comment la naissance de Jésus est contée par Jacques de Voragine dans ‘La Légende Dorée’, publiée quelques années après les dessins d’Herrade.
‘Puis Joseph et Marie vinrent à Bethléem ; et comme, étant pauvres, ils ne pouvaient pas trouver de place dans les auberges, ils durent s’installer dans un passage commun, ou abri, qui, d’après l’Histoire Scholastique, se trouvait entre deux maisons, et servait de lieu de réunion aux habitants de Bethléem, ou encore de refuge contre les intempéries de l’air. Là, Joseph installa une crèche pour son bœuf et son âne ; ou bien encore l’étable s’y trouvait déjà, construite à l’usage des paysans qui venaient au marché. Et c’est là que, à minuit, la Vierge mit au jour son fils, et le déposa dans la crèche, sur du foin : lequel foin fut plus tard emporté à Rome par Sainte Hélène, et l’on dit que ni le bœuf, ni l’âne n’osaient y toucher.
Herrade consacre quatre miniatures à la naissance du Christ. Herrade s’est certes basée sur l’Evangile de Luc, mais d’autres influences, plus tardives, sont bien présentes dans ses dessins.
- L’Annonciation
- En route vers Bethléem
Marie est juchée sur son ânesse, assise sur un coussin brodé, elle dispose d’un petit repose-pieds. Joseph la précède, pieds nus dans le sable. Un serviteur les accompagne. Le texte latin nous dit : ‘ Joseph conduit Marie de Nazareth à Bethléem’.
- La Nativité
Marie est allongée sur un matelas posé sur le rocher d’une caverne. Jésus est couché dans une mangeoire, le bœuf et l’âne le réchauffent de leurs souffles. Deux bergers semblent surpris par la scène. Joseph, pensif, représenté sans auréole, est assis en retrait. Les textes latins explicitent la scène.
‘De la Vierge surgit une fleur, une force divine issue de son sein virginal.
Dans une étable repose le maître du destin du monde.’
- L’annonce aux bergers
Suivent les miniatures consacrées à la visite des rois mages. Un prochain article, peut-être.
Jésus est un prophète de l’Islam. Son nom, son histoire, sa vie sont rapportés dans plusieurs sourates du Coran.
- Dés la sourate III (Al Imran, ‘ la famille d’Imran’, versets 42-51) Marie est citée. Les versets racontent l’Annonciation par un messager de Dieu et la réaction de Marie. Le verset 55 rapporte la résurrection de Jésus.
- Dans la sourate V (Al Mayda, ‘la table pourvue’, versets 110 et 111) les miracles attribués à Jésus sont annoncés, ainsi que la présence des Apôtres.
- Un verset de la sourate LVI ( As Saf, ‘en ligne’, verset 6 ) rapporte l’annonce faite par Jésus de la venue d’un autre messager de Dieu : Ahmad.
Mais, en cette période de Noël, nous nous pencherons plus précisément sur la sourate XIX consacrée à Marie et à la naissance de Jésus.
La première partie du texte raconte l’histoire de Zacharie et la naissance de Jean-Baptiste. Puis vient l’histoire de Marie : l’Annonciation est décrite de façon similaire à Al Imran, déjà cité. Et voici, pour la naissance de Jésus, les versets 22 à 34.
Elle le conçut, et s’isola avec lui en un lieu lointain
Les douleurs la firent s’adosser au fût du palmier ; elle dit : ‘Qu’avant cela ne suis-je morte, et ne suis-je oubliable oubliée !’
Il l’appela de sous elle : ‘N’aie chagrin. Le Seigneur a mis sous toi une gloire
Secoue vers toi ce fût de palmier, pour en faire pleuvoir des dattes mûres toutes cueillies
Mange et bois, rends à ton œil la fraîcheur. Au premier humain que tu verras, dis : ‘J’ai fait vœu au Tout miséricorde de jeûner. Je ne parlerai de ce jour à personne’.
Elle revint à son peuple portant l’enfant. ils dirent : ‘ Marie, tu as commis une chose épouvantable ! Sœur d’Aaron, ton père n’était pas homme de mal, non plus ta mère une gaupe !’
Elle désigna l’enfant. Ils dirent : ‘ Comment parlerions-nous à qui n’est qu’un enfant au berceau ?’
Or il dit : ‘ Je suis l’esclave de Dieu. Il m’a conféré l’Ecriture, Il m’a fait prophète
M’a rendu béni où que j’aille, m’a recommandé la prière, le prélèvement purificateur, pour tant que je vivrai
Et d’être pieux envers ma mère. Il n’a pas fait de moi un impérieux misérable.
Salut sur moi du jour de ma naissance au jour où je mourrai, comme au jour où vivant je ressusciterai’.
Voilà Jésus fils de Marie, en dire de Vérité, sur quoi ils controversent.
Marie accouche, seule, adossée à un palmier dans le désert. Elle dit sa douleur. Ensuite, elle se restaure de simples dattes. Nous sommes loin de l’imagerie de Jacques de Voragine. Ce texte est le seul, parmi ceux cités, qui parle des douleurs de l’enfantement. Il donne une image inattendue et attendrissante de la naissance de Jésus.
Quelques soient vos croyances,
nous vous souhaitons à tous de bonnes fêtes de fin d’année
et vous présentons nos vœux pour une heureuse année 2015.
- La Bible, traduction publiée par Frédéric Boyer, 2001
- La Légende Dorée, Jacques de Voragine 1260, traduction de Teodor de Wyzewa, 1910
- Le Protévangile de Jacques le Mineur, traduction de Gustave Brumet
- Le Coran, essai de traduction par Jacques Berques, 1995
- Hortus Deliciarum, présenté par les éditions Braun, 1945
- Hortus Deliciarum, présenté par Auguste Christen, 1990
- Hortus Deliciarum, présenté par Jean-Claude Wey, 2004
Première phrase du Coran, calligraphie en style thoulthi.
Les images des calques sont extraites du livre de Jean-Claude Wey.
La nativité, mise en couleur, vient de la reconstitution de madame Tisserant-Maurer.