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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

Le Moulin de l’Hortus Deliciarum

28 Avril 2015 , Rédigé par PiP vélodidacte

Trois des dessins du codex d’Herrade de Landsberg se rapportent au même passage des Evangiles. ‘L’un sera choisi, l’autre pas’. Penchons-nous aujourd’hui sur celui qui nous propose une image détaillée d’un moulin du Moyen Age.

Les textes de Matthieu et de Luc

Herrade a choisi un passage peu facile des Evangiles. Jésus quitte le Temple où il a annoncé la fin des temps. Il réunit ses disciples sur le Mont des Oliviers. Ceux-ci veulent savoir quand il reviendra et quel sera le signe de sa venue. La réponse de Jésus est longue et complexe, il décrit des moments de grande détresse, très anxiogènes, puis le retour du Fils de l’Homme puissant, entouré de gloire.
Le Moulin de l’Hortus DeliciarumVoici le texte de Matthieu
‘ La venue du Fils de l’Homme se fera comme au temps de Noé. Dans les jours qui précédèrent la montée des eaux, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari. Puis Noé entra dans l’arche. On vivait dans l’insouciance . Puis vinrent les flots, et ils furent engloutis. La venue du Fils de l’Homme aura lieu de même. Deux hommes sont aux champs. L’un sera choisi, l’autre laissé. Deux femmes font tourner la meule. L’une sera choisie, l’autre laissée. Veillez. Vous ignorez le jour où viendra le maître. Et retenez bien ceci : si le maître de la maison savait à quel moment de la nuit le voleur compte s’introduire, il veillerait, pour l’empêcher d’entrer. Demeurez vigilants. Car le Fils de l’Homme viendra à une heure que vous ne soupçonnez pas.’  Matthieu, 24, 37-44
Matthieu parle des hommes aux champs et des deux femmes qui actionnent le moulin.

Le Moulin de l’Hortus DeliciarumLa même parabole est rapportée par Luc
‘ Il en ira de même le jour où le Fils de l’Homme se fera connaître. Ce jour là, que celui qui se trouve sur la terrasse de sa maison ne descende pas chercher ses affaires à l’intérieur ! Celui qui est dans les champs, qu’il ne se retourne pas ! Souvenez-vous de la femme de Lot ! Qui cherche à préserver sa vie la perdra et qui la perd la préservera ! Je vous le dis : cette nuit-là, quand deux personnes seront couchées dans le même lit, l’une sera emportée et l’autre sera laissée. Quand deux femmes seront occupées à moudre ensemble, l’une sera emportée et l’autre laissée.
Ils lui ont demandé : Où, Seigneur ? et il a répondu : où seront les corps, là roderont les vautours !
'  Luc, 17, 30-37
Luc parle des deux personnes couchées dans un lit et des deux femmes au moulin.
Herrade a choisi de représenter les trois scènes : les champs, le lit et le moulin. Bien loin du climat des Evangiles, la vision de l’abbesse de Hohenburg est apaisante. Les personnes ‘emportées’ le sont par des anges qui viennent les sauver. Les autres, ceux qui restent, continuent leur vie. Nous sommes loin des vautours annoncés par Luc !

Le Moulin d’Herrade

Arrêtons nous au moulin dessiné par Herrade. Notre abbesse s’est bien évidemment inspirée des moulins de son époque, ceux qui tournaient au pied du Mont Sainte Odile. Herrade représente un moulin au fil de l’eau. Nous ne sommes pas persuadés que les moulins de Palestine au temps de Luc et de Matthieu étaient de ce type. Herrade nous laisse cependant un document fort précis.

Hortus Deliciarum

Hortus Deliciarum

Une petite rivière, qui peut être l’Ehn, est canalisée. La grande roue à aubes entraîne l’axe horizontal. Le rouet transmet le mouvement à l’axe vertical qui meut la meule courante. Perchée sur l’armature de bois, une des deux femmes déverse un lourd sac de grain dans la trémie. Le blé sera réduit en farine, écrasé par la meule courante qui roule sur la meule dormante. Herrade a du passer de longs moments à observer le mécanisme et le travail du meunier.
On reste surpris par l’intérêt et la curiosité de l’abbesse, pour ces aspects techniques.

Emblème de métier à Dambach-la-Ville

Non loin du Mont, la petite ville de Dambach propose un curieux emblème sur une des nombreuses maisons à colombages qui ornent les rues du bourg viticole. Là aussi, le mécanisme d’un moulin hydraulique est représenté. Trémie, meules, rouet….
Le Moulin de l’Hortus DeliciarumAutour de la sculpture, l’observateur déchiffre :
1599
MICH ZIMRET GEORG STRVB V. OCHSENHUSEN
Georg Strub était-il le charpentier de la maison ? Ou son propriétaire ? Ou les deux ! Georg était peut-être un charpentier qui s’était spécialisé dans la construction de moulins ?

Addendum du 14-11-2021

Selon un de nos lecteurs, un dénommé Georg Straub est cité par Heinrich Schickhart comme facteur de moulin à Colmar vers 1610. Cette information va dans le sens de notre hypothèse. 

Sources
  • A. Christen, Hortus Deliciarum, reconstitution du manuscrit d’Herrade, dite de Landsberg,
  • C. Muller, Un curieux emblème à Dambach-la-Ville, SHABDO 1984
Le Moulin de l’Hortus DeliciarumIllustrations
  • Photographies Obernai, Dambach, PiP
  • Reconstitution des dessins d’Herrade de Landsberg, C. Tisserant-Maurer
  • Hortus deliciarum, Editions Braun, 1945

 

Le Moulin de l’Hortus Deliciarum

Nous terminons cet article avec une reproduction d'une marqueterie représentant le moulin situé à la sortie d' Obernai sur la route de Boersch :  La Claramuelhle....

Avec l'aimable autorisation d'Alsa-Passions, à Obernai.

Mazette, quelle boutique !

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P
Généralement, c'est le nom du propriétaire qui apparaît, sur le poteau cornier ( ce qui serait à vérifier à Dambach). Comment un artisan de passage aurait-il pu éclipser le nom du maître de la maison ? Je pense que c'est votre seconde hypothèse qui est juste. Le propriétaire a monté lui-même sa charpente, démontrant ainsi un savoir-faire de base. En rajoutant un moulin, il a renchéri sur sa publicité, en faisant savoir qu'il savait aussi faire cela ! De la com' à l'état pur, et un sacré "plus" auprès de la clientèle potentielle qu'étaient les passants.
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P
"Mich zimret Georg Strub v(on) Ochsenhusen". Vous posez justement la question de l'identité de ce personnage. Une seule chose est sûre: c'est lui qui a fait la charpente ( verbe: zimmern ). Les deux possibilités sont à envisager: ou c'est le propriétaire en personne qui a fait le travail, ou il s'agit d'un artisan. Difficile de trancher ! Les artisans étaient souvent des itinérants, et conservaient dans leur nom le souvenir de leur origine géographique, ce que les bourgeois faisaient également, même une fois installés. On a pour Strasbourg de nombreux exemples de cette pratique dans les deux catégories sociales.
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P
Fort juste ! Mais alors, Georg strub venait vraisemblablement de Ochsenhausen .... Personnellement, je n'ai pas trouvé de localité de ce nom en Alsace.... La bourgade bavaroise, non loin de Biberach, semble bien lointaine....
V
C'est bien ce que je pensais à propos de la montée des eaux;Reste à trouver l'arche et Noé; L'image des personnes "emportées", sauvées parles anges, me plait bien aussi;<br /> merci à Herrade, et au colibri qui écrit !
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P
Un colibri ? ........ ah ? On ne m'avait jamais comparé à un colibri ! Comme oiseau, je voyais plutôt un gros tétras. Lourd et bruyant. Merci, Véro !