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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )

22 Mars 2022 , Rédigé par PiP vélodidacte Publié dans #chateau

En décembre 2017, nous vous avions proposé un premier article dédié à la forge du château de Rathsamhausen. Dans ce texte, nous décrivions l’atelier mis à jour par l’équipe de Charles-Laurent Salch en 1972. Nous nous étions alors essentiellement basés sur la publication de Danielle Fèvre parue en octobre 2000.
L’essentiel de notre article reste d’actualité et nous conseillons aux personnes intéressées de s’y reporter. Vous y trouverez de nombreuses illustrations des objets découverts par l’équipe de Danielle Fèvre. (cliquez sur ce lien : https://www.autour-du-mont-sainte-odile.fr/2017/12/la-forge-des-chateaux-d-ottrott.html )

Lors d’une visite des lieux par la Société d’Histoire de Boersch, madame Élisabeth Gressier a apporté à notre dossier ‘Forge’ un élément historique qui nous était jusqu’alors inconnu : la forge a été utilisée en lien avec la Manufacture de Klingenthal lors de la Restauration. C’est l’objet de cet addendum.

La forge du Rathsamhausen
La forge du Rathsamhausen
La forge du Rathsamhausen
La forge du Rathsamhausen
La forge du Rathsamhausen
La forge du Rathsamhausen
La forge du Rathsamhausen

La forge du Rathsamhausen

(Aujourd’hui, la forge et son atelier de fonderie ont été restaurés par les Amis des Châteaux d’Ottrott. Nous compléterons cet article par quelques images récentes de la forge du Rathsamhausen.)

Le livre de Frédéric Georges Junger ~1909

Frédéric Georges est né au Klingenthal en 1843. Sa famille de forgerons est originaire de Gomaringen (Bade-Wurtemberg). Elle s’est installée au Klingenthal en 1765.

La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )

La famille Junger habitait Boersch. On retrouve la trace d’un certain ‘Georges Junger, dresseur de faux aux entreprises Coulaux à Boersch-Klingenthal’. Toujours est-il que Frédéric Georges Junger publie au tout début du XXème siècle un livre intitulé ‘Klingenthal, Ancienne Manufacture Royale d’Armes Blanches, créée en 1730 et supprimée en 1836’. Frédéric y retrace l’histoire de la Manufacture de Klingenthal. Un court passage ( pages 52 et 53 ) concerne la forge des châteaux d’Ottrott. Ce que nous lisons ne manque pas de nous interpeler. Nous sommes en 1815, l’empire de Napoléon Ier a pris fin, la Restauration se met en place. Bien loin du moyen âge …. les Bourbons veulent relancer la Manufacture d’Armes Blanches de Klingenthal. Et cette relance va passer par les châteaux d’Ottrott !

 

Suite à l’invasion des armées coalisées,la Manufacture de Klingenthal avait été fermée. Avant l’arrivée de l’ennemi, les officiers français avaient fait détruire les roues hydrauliques afin qu’elles ne soient pas utilisées contre les soldats français. Le patron de la Manufacture, monsieur Coulaud avait quitté les lieux et s’était réfugié à Strasbourg.

Les troupes étrangères occupaient la vallée et étaient à la charge des habitants.

La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )

Quelques années plus tard, sous la Restauration, la situation est bien différente. L’activité a repris et la vallée connaît un nouvel essor.

Voici donc ce qu’écrit F.G. Junger dans son livre publié en 1909.

"Sous la Restauration, l’Etablissement prit le titre de manufacture royale et après la visite et l’inspection du général Authouard, en 1818, le travail avait repris un tel essor que le pays vit une période de prospérité qu’il n’avait jamais connue jusqu’alors. On établit des petits ateliers de tous les côtés, il y en eut même jusque sur les châteaux d’Ottrott. Dans la ruine de Rathsamhausen zum Stein, sur la gauche en entrant, se trouvait au nord une tour ronde voûtée dans laquelle un nommé Stauffer, forgeur de baïonnettes, avait organisé sa forge que nous avions encore vue avec son foyer et sa cheminée. Il y avait en ce temps là trois maisons d’habitations en face du château de Rathsamhausen : deux de ces maisons se trouvaient au sud de la ruine, l’une fut démolie en 1856 et l’autre sert encore comme habitation au garde forestier. Sur le pré à l’ouest de la ruine se trouvait une troisième occupée par un ouvrier limeur de la manufacture et qui y travaillait à son compte. Cette dernière fut démolie en 1830 et l’emplacement converti est prairie."

 

F. G. Junger, Klingenthal, Ancienne Manufacture Royale d’Armes Blanches, 1909

 

Voilà qui éclaire de façon bien différente la forge du Rathsamhausen, telle que nous la voyons aujourd’hui ! L’immense sole mise à jour par C.L. Salch serait beaucoup plus récente qu’attendue. De nombreux spécialistes s’étaient interrogé : les dimensions, les nombreux réemplois de pierres taillées, posées à l’emporte-pièce, l’absence de cendrier… tout s’explique si la forge est créée sous la Restauration en vue de suppléer rapidement aux installations de Klingenthal hors d’usage en 1818.

 

  • Une première forge castrale devait, comme l’indique Frédéric Georges Junger se situer à la base de la tour ronde ( 3 sur notre schéma). Dans un local exigu et voûté, elle devait ressembler alors à toutes les petites forges castrales. (Note : la base de la tour est aujourd’hui encombrée de gravats, sa fouille apporterait des éléments pour infirmer ou confirmer cette thèse.)

La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )
La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )

 

  • Comme dit dans les articles de Danielle Fèvre, l’atelier de fonderie de laiton a été créé au XVème siècle, alors que les châteaux étaient à la famille de Hohenstein. Il était situé entre la tour ronde et la maisonnette qui abrite aujourd’hui la forge ( 2 sur notre schéma) . Le four , dégagé et protégé par les travaux des AmChOtt est toujours présent et bien mis en valeur.

  • Lors de la Restauration, la forge jugée trop exiguë a été déplacée dans la maison adossée au rempart ouest du château ( 1 sur notre schéma). On y forgeait alors des baïonnettes. Une sole adaptée à ce type de travaux aurait alors été mise en place à l’aide de matériaux divers de récupération.

     

La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )
‘Un nommé Stauffer’

Cherchons plus avant. ‘Un nommé Stauffer’, nous dit le livre de Frédéric Georges… Madame Élisabeth Gressier a effectué auprès des archives des recherches couronnées de succès. Elle nous en apprend beaucoup plus.

Voici l’acte de décès de Nicolas Staufer, daté du 10 décembre 1845.

La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )

 

Nicolas était né aux châteaux d’Ottrott. Il était célibataire et exerçait la profession de forgeron aux châteaux d’Ottrott où il était domicilié. Nicolas est mort à 8 heure du matin, il avait 52 ans. Ce Nicolas forgeait des baïonnettes dans la forge de nos châteaux !

Son père s’appelait également Nicolas, il était forestier, né et domicilié aux châteaux. Sa mère s’appelait Marie Ursule Blind et était née à Barr.

Les deux témoins du décès sont Jean Michel Schroeder, forestier aux châteaux et beau-frère de Nicolas, et Christophe Ackermann, trempeur à Klingenthal et frère(?) du défunt.

La forge des châteaux après les travaux des AmChOtt

La forge découverte par les équipes de Charles-Laurent Salch avait été abritée par une petite maisonnette alsacienne à colombages. Lors de la fondation de l’association des AmChOtt, cette construction était en piteux état, la toiture menaçait de s’effondrer sur la sole.
Une première campagne de travaux a permis de refaire cette toiture.

La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )
La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )
La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )
La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )
La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )
La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )

Une deuxième campagne, menée un an plus tard, visait à protéger le four à laiton du petit atelier qui jouxte la forge. Un appentis a été intégré dans les structures existantes pour protéger ce témoin de l’activité passée des châteaux.

 

La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )
La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )
La Forge des Châteaux d’Ottrott (deuxième partie )

Notre forge et son appentis ont aujourd’hui fière allure et sont à l’abri des aléas climatiques. Bravo à l’équipe des AmChOtt !

Venez les visiter les mardis matin ou les samedis.

Illustrations
  • Photographies, EtF et PiP

  • Certificat de décès de Nicolas Staufer, Archives du Bas-Rhin

  • Schéma des lieux, PiP

Sources
  • F.G. Junger, Klingenthal, ancienne manufacture royale d’armes blanches créée en 1730 et supprimée en 1836, publié en 1909

  • Charles-Laurent Salch, les forges dans les châteaux forts, 2000

  • Danielle Fèvre, La forge au château du Rathsamhausen-Ottrott, 2000

  • Elisabeth Gressier, Marc Adolf, Francis Bronner, La Manufacture d’Armes Blanches de Klingenthal, 201x

Merci à Elisabeth pour son travail et ses recherches !

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N
Ami PiP, cet article est très intéressant, mais je pense que quelque chose m'a échappé. Nicolas Staufer (1793-1845) installe sa forge dans la tour (n°3), probablement vers 1818, mais peut-être dès ses débuts. C'est donc là qu'il forgeait ses baïonnettes et non dans la forge (n°1). Ma question est donc la suivante : la forge n°1 était-elle en service au XIXe siècle ? En effet, si Staufer avait disposé d'un tel espace de travail, pourquoi se serait-il installé dans une tour plus exigüe ? Si cette forge spacieuse (n°1) avait été en fonction, Junger l'aurait sans doute mentionnée en plus de celle dans la tour et aurait-on pu y découvrir du matériel plus ancien lors de sa fouille ? A moins que cette forge n'ait été construite par Staufer par la suite ? Ou la forge n°1 était déjà en service, mais Staufer a préféré s'installer dans la tour pour avoir sa forge bien à lui ? Mais, même dans ce cas, pourquoi Junger n'a-t-il pas mentionné les deux forges dans son livre ? Au final, n'est-il pas plus probable que Staufer se soit installé dans la tour parce que la forge n°1 était alors sous des décombres ? Merci d'éclairer ma lanterne et, en tout cas, merci pour cette passionnante découverte !
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P
Je dois m'être mal exprimé. La première forge, celle du moyen age, était dans la tour ronde (3) , elle etait de dimensions réduites. Elle a pu être abandonnée après la guerre de 30 ans, quand les Rathsamhausen ont abandonné le château. Staufer a installé après 1815 une nouvelle forge, plus vaste, dans un bâtiment existant (1). Ceci reste à valider en fouillant la tour ronde, entre autres.
P
Toujours aussi pointu et aiguisé notre PiP castral !
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G
Le hasard fait que je suis né exactement 100 ans après le décès de Nicolas Staufer.!
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P
tu devrais reprendre cette forge......<br />