La basse-cour du Château de Rathsamhausen
Cet automne, les Amis des Châteaux d'Ottrott ont netttoyé le versant nord de la basse-cour du château. Les vestiges sont nombreux : bases de murs, pavage ancien, four circulaire… Magnifique !
La cour du château fut de tout temps occupée par des bâtiments et une vie intense. C’est l’occasion de vous dire ce que nous savons de ces lieux, mis en valeur aujourd’hui par les AmChOtt. Pour cette présentation, nous nous basons sur les vestiges dégagés par nos bénévoles, bien entendu, mais aussi et surtout sur les rapports des fouilles conduites de 1969 à 1973 par les équipes de Charles-Laurent Salch.
Schéma de localisation des fouilles 1969-1973 selon les rapports de fouilles de J. Burnouf, J.C. Poteur, D. Fèvre et C.L. Salch, établi par PiP
Commençons par les restes des bâtiments les plus anciens, ceux qui ont précédé le château de Rathsamhausen que nous admirons aujourd’hui, avec son donjon-palais, son donjon circulaire et ses remparts encore en place. Nous sommes alors au Xeme ou au XIeme siècle. L’ensemble du plateau semble déjà occupé. Aujourd’hui, sur le versant nord, si nous prenons un peu de hauteur, nous voyons ceci.
Vue de la basse-cour Nord du Rathsamhausen, orthophotographie, Etienne
Les vestiges sont nombreux. Les plus visibles correspondent, bien entendu, aux périodes d’occupation les plus récentes. Mais les plus ténus sont les plus anciens, nous vous les avons précisés sur ce plan.
Vestiges romans de la basse-cour nord du Rathsamhausen,
selon les rapports de fouilles de J. Burnouf, J.C. Poteur, D. Fèvre et C.L. Salch,
schéma d’ensemble établi par PiP
Les murs présentés en couleur correspondent à cette première occupation. En noir ou hachurés, vous trouvez les murs de la forteresse du XIIIème siècle, qui n’existait pas encore. Ils ne sont figurés que pour vous permettre de situer les premiers vestiges. De plus, en blanc, sont représentés les constructions postérieures que nous décrirons plus loin.
Pour cette période romane, datée par les nombreux tessons de céramiques, C.L. Salch et son équipe ont détecté grâce à la stratigraphie et à l’étude des maçonneries encore en place trois phases de construction. La phase 1 correspond à la toute première enceinte, puis en phase 2, on trouve la base d’un bâtiment carré qui pourrait bien être une tour. La découverte de poutres calcinées dans les couches basses des fouilles permettent d’imaginer une construction de bois posées sur des fondations maçonnées.
La troisième phase, en fin du XIIème siècle serait toute proche du temps de la construction du donjon palais.
Tous ces vestiges, les plus anciens du site, étaient recouverts lors des fouilles d’une épaisse couche d’incendie, que Salch date de la fin du XIIème siècle. Rappelons que nous sommes alors à la période du Petit Interrègne qui voit s’opposer pour la couronne impériale Philippe de Souabe et Otton de Brunswick après la mort d’Henri VI le Cruel. Pour que l’incendie ait eu une telle ampleur destructrice, le premier château semble avoir été victime des combats d’alors.
Lire à ce sujet notre article ‘Le Petit Interrègne et les châteaux d’Ottrott’
Poterie du XI ème siècle, 1969 - rapport de fouilles Burnouf-Poteur
Monnaie retrouvée en 1969, rapport de fouilles Burnouf-Poteur
Monnaie retrouvée en 1969, rapport de fouilles Burnouf-Poteur
Par la suite, ces bâtiments divers ont été arasés pour faire place à de nouvelles constructions. C’est pour cette raison que les chercheurs n’ont trouvé que peu d’éléments.
Luttes du petit interrègne ou simple incendie domestique, le château des X ème et XI ème siècles est remplacé vers l’an 1200 par le magnifique donjon-palais et des dépendances au sud du plateau. Cette partie méridionale devait être, elle aussi, occupée auparavant, mais les travaux du début du XIII ème siècle n’ont laissé que peu de traces de cette première occupation.
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Construction du Donjon-Palais ~1200
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Adjonction du logis et la cour romane très peu après ~1210
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Construction du donjon circulaire (Bergfried) ~1260
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Renforcement du mur est du logis ~1260
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Construction de l’enceinte gothique ~1350
(Il est à noter que les architectes du XIV ème siècle n’ont pas retenu le tracé ancien et n’ont pas basé le rempart sur l’ancienne muraille romane.)
Nous avons détaillé ces phases de construction et étudié les bâtiments dans de nombreux articles publiés sur ce site.
Le lecteur intéressé se reportera à nos textes spécifiques consacrés aux ‘châteaux d’Ottrott’.
La forteresse du XIIIème siècle, peinture de F.A. Stuber, 1855
Kachelofen à la rose, fouilles 1971, rapport Burnouf
Kachelofen à l'aigle, fouilles 1969, rapport Burnouf
Revenons maintenant à ce qui s’est passé après la construction de notre Rathsamhausen et examinons les vestiges mis à jour par notre équipe.
Les bâtiments de la basse-cour Nord, schéma PiP
Dés que l’enceinte gothique a été terminée, l’ensemble de la cour ainsi créée a été utilisé pour les activités annexes liées au château. Les nombreux solins que nous trouvons sur le mur d’enceinte et à la base du bergfried montrent à quel point les transformations ont été nombreuses, témoins de la vie intense dans la cour du château. Sur notre schéma, nous avons distingué plusieurs ensembles emblématiques de cette période.
Le four domestique - XIVème
Commençons par la construction circulaire située à la base nord du donjon circulaire. Il s’agit d’un four domestique fouillé en 1970 et 1971 par Joëlle Burnouf. Le fond était recouvert par une couche de galets liés par de l’argile. Une épaisse couche de cendres montrait la présence d’un âtre devant l’entrée du four. La présence de nombreuses briques indiquait une sole posée sur les galets. Les cendres étaient évacuées par l’avant, dans le foyer de l'âtre.
Selon le rapport de fouilles, ce four aurait été monté peu de temps après l’édification de l’enceinte gothique (XIVème). Il était couvert d’un dôme de pierres. La présence de solins et d’opes sur le mur d’enceinte et le donjon circulaire montrent qu’il était couvert pour le moins d’une toiture protectrice.
Relevé du four et de ses abords, J. Burnouf, 1970
Four domestique, image Étienne
Four domestique, photographie Théo
L’habitat du XVème siècle
Au centre de ce plateau nord, plusieurs édifices se sont succédés. L’équipe de C.L. Salch indique les trous de piquets et de poteaux que nous voyons encore, et insiste sur un habitat du XVème siècle, aujourd’hui recouvert par la maison du XVIIIème décrite ci après.
Statuette XIVème siècle, fouilles 1969, rapport J. Burnouf
Pointe de flèche, fouilles 1972 ; rapport J. Burnouf
La forge du XVème siècle
Située sous le mur ouest de l’enceinte, la forge est le plus bel élément que nous ayons gardé de cette époque. Le pavage en pierres calcaires avec son écoulement travaillé, l’évier de grès encastré dans une archère du mur d’enceinte, la sole aux dimensions étonnantes font de cet endroit un des trésors du Rathsamhausen. Cet ensemble est daté du XVème siècle par Danielle Fèvre.
Nous avons largement traité de la forge dans notre article ‘La Forge du Rathsamhausen’ avec de nombreuses illustrations.
Le château est alors propriété de Jacques de Hohenstein, dont nous avons conté la vie étonnante sur ce site.
La forge du Rathsamhausen, photographie Théo
Le bâtiment actuel a été construit par l'équipe de C.L. Salch pour protéger la sole dans les années 1980. La toiture du bâtiment qui couvre actuellement la forge a été réhabilitée par les AmChOtt en 2018
Lors des fouilles de C.L. Salch, une petite canonnière a été découverte qui devait être partie des fausses-braies ouest a été mise à jour.
Canonnière des fausses braies ouest du Rathsamhausen, dépôt Salch
Le four à laiton (XVème siècle)
Situé entre la Forge et la tour de flanquement du château, un bâtiment était destiné à la même époque au travail du laiton. Mis à jour et étudié par Danielle Fèvre ce petit atelier permettait la fabrication d’objets de décoration en laiton : colifichets, branlants, broches, boucles de ceinture, serrures, fermoirs de livres, grelots, boutons et autre passementerie. Nous proposons par ailleurs de nombreux exemples en images des réalisations de cet atelier. Voir notre article.
(Note : l'atelier du XVème semble avoir été créé sur des fondations plus anciennes, mal définies.)
Four et atelier laiton, photographies Etienne et Théo
L’appentis qui protège le four à laiton a été mis en place par les AmChOtt en 2019.
Forge et appentis de l’atelier laiton, photographie PiP
La maison du XVIIIème siècle
Terminons par la maison qui, de par son élévation, attire le regard dès qu’on entre dans le château. Ce pignon en façade est le témoin de la dernière occupation de la basse-cour du Rathsamhausen. Nous sommes en 1733 ou peu après, le propriétaire du château Wolf Christof von Rathsamhausen décide de quitter le château et fait construire pour s’y installer la maison forestière située en contrebas des ruines. Vivre dans un vieux burg hanté de courants d’air, alors que Louis XV habite Versailles ne convient plus au hobereau, on peut le comprendre.
Les deux châteaux du XIIIème siècle sont alors définitivement abandonnés par Wolf Christof qui y installe visiblement un élevage de chevaux. Divers bâtiments de ferme sont alors aménagés dans les ruines. Notre maison du XVIIIème date de cette époque, le pavement récemment dégagé par les AmChOtt également. Cette petite maison est vraisemblablement le logis d'une famille de fermiers.
Les visiteurs attentifs remarqueront au dessus de porte, côté intérieur, servant de claveau une pierre sculptée, réemploi évident d’un bâtiment plus ancien.
Claveau , réemploi de pierre taillée
Façade de la maison XVIIIème, photographie Etienne
Intérieur de la maison XVIIIème, avec son pavement, photographie Etienne
Ainsi se termine cette petite visite de la basse-cour du château de Rathsamhausen. Nous en sommes redevables aux bénévoles qui ont donné leur temps et leur ardeur.
Merci aux AmChOtt
Etienne, Fabienne, Jonathan, Thomas, Barbara, Dorian, Sébastien, Céleste,
Valérie I et Valérie II, Théo, Louna, Camille, Chloé, Olivier, Jean Marc,
Perrine, Franck, Valentin et Antoine, Romane et Alex….
sans oublier la participation de Sylvie et Olivier
La maison du XVIIIème avant la mise en valeur, photographie Etienne
Le travail est terminé, orthophotographie Etienne
Les rapports de fouilles sont détaillés mais pas toujours faciles d’accès. Pour les lecteurs intéressés, nous avons listé pour chacun les lieux fouillés et donné un aperçu du matériel archéologique mis à jour.
- J. Burnouf, J. C. Poteur, Rathsamhausen-Ottrott - Rapport de fouilles 1969
Fausses Braies Sud du Rathsamhausen
Poteries XV, bractéates au lys, branlants, pots de poêle, jetons décorés, monnaies, pendeloque en laiton, carreaux d’arbalètes, statuette fin XIVème ou début XVème.
- J. Burnouf, J. C. Poteur, Rathsamhausen-Ottrott - Rapport de fouilles 1970
Basse cour du Rathsamhausen, coté nord
Four du XIVème : four domestique et âtre situé devant
Maison XVème : céramiques, carreaux de poêle, lampes à huile, tasse en grès bleu
Mise au jour des structures plus anciennes
Tour ronde et enceinte : postérieurs au bergfried, XIII à XIVème
- J. Burnouf, C. L. Salch, Rathsamhausen-Ottrott - Rapport de fouilles 1971
Suite de l’année précédente, plus profond.
Fin de fouille du four voûté. Sous la maison XVème, une maison plus ancienne : maison forte, soubassement de pierre, mais peut être château de bois. XIIème
Pavement bien plus tardif, XVIIIème
Poteries, pots de poêle, carreau de kachelofen : décor dragon, décor à la rose.
- J. Burnouf, D. Fèvre, Rathsamhausen-Ottrott - Rapport de fouilles 1972
Basse-Cour ouest : maison XIIIème et Forge
Carreaux de poêle vernissés, poteries, deux canonnières en grès taillés, hotte en tôle
Donjon-Palais : trace d’une construction plus ancienne – citerne – première porte de la cour
Carreaux de poêles, poteries, pointe de flèche
- J. Burnouf, D. Fèvre, Rathsamhausen-Ottrott - Rapport de fouilles 1973
Barbacane : deux aménagements successifs.
Tessons, clou, objets en fer, décors de vêtement, ferrets de lacets, épingle, grelot, poteries
Fausses-braies Est : tuiles et moellons
Donjon Palais (centre) : tuiles, poteries, carreau vernissé
- D. Fèvre, La forge au château du Rathsamhausen-Ottrott au XVème siècle, 2000
Pot de poêle à pots, fouilles 1972, rapport Burnouf
Rathsamhausen - Kachelofen au dragon, dépôt Salch
Rathsamhausen - Kachelofen au chevalier, dépôt Salch