Dans les lices du château de Lutzelbourg

Lorsque le Lutzelbourg est érigé au milieu du XIII^ème siècle, le château se limite à son donjon circulaire, aux deux murs boucliers, à la tour ouverte et aux chemises qui les relient. L’éventuel assaillant ne dispose alors que de peu de moyens pour un assaut : arcs, arbalètes, béliers… A cette époque, rares sont les seigneurs qui disposent de machines de guerre comme les trébuchets, catapulte ou autre couillard. De plus, l’utilisation de ces machines en montagne suppose une troupe d’importance. Une simple ligne de remparts, une bonne porte et une petite garnison suffisaient à assurer la défense de la place.

Schéma du château de Lutzelbourg, PiP

L’introduction de l’artillerie en Alsace (~1400) va changer la donne. Certes les premiers canons sont encore peu précis, ils ont une courte portée et ne projettent que des boulets de grès. Cependant, les dégâts infligés aux courtines sont déjà conséquents.

Canon, Bellifortis de Conrad Kyeser, ~1400

La première mesure prise par les châtelains pour assurer la sécurité des chemises sera de doubler celles-ci par la construction d’une deuxième ligne de remparts : les fausses-braies. Ces murs sont appuyés sur le rocher ou sur une levée de terre: ils sont plus stables que les chemises.
Au Lutzelbourg, ce sont vraisemblablement les frères Egenolf et Hans de Rathsamhausen qui ont édifié les fausses-braies. En 1414, l’empereur Sigismond a confirmé le château aux deux frères qui le relèvent et construisent le magnifique Palais 1400, sauvé il y a peu par les Amis des Châteaux d’Ottrott.

plus de détails sur nos articles ‘Imbroglio au Lutzelbourg’ et ‘Restauration du Palais 1400’

Quelques décennies plus tard, les canons ont largement augmenté leur portée et leur efficacité. Les boulets sont désormais en fonte : une troisième ligne de remparts est alors édifiée en vue d’éloigner le danger. Ce sont les barbacanes et les lices.

Nous nous intéressons aujourd’hui aux travaux menés par les AmChOtt pour sauvegarder et mettre en valeur les murs des lices nord et est du Lutzelbourg.

Voilà deux saisons que les AmChOtt ont entrepris de sauvegarder les murs des lices Nord Est du château de Lutzelbourg.

Plan des lices selon les relevés d’André Lerch

Les lices sont assez étroites, juste quelques mètres. Le mur courrait de la porte basse du château jusqu’à une petite tour de flanquement au nord de la forteresse, soit une cinquantaine de mètres. Aujourd’hui, seuls les deux extrémités du mur sont encore en élévation. Lorsque nous avons créé l’association, le tout était couvert d’une végétation dense et la configuration restait fort peu lisible. Aujourd’hui, le visiteur peut voir l’ensemble du système de défense.
Cette partie des remparts était munie de cinq canonnières, toutes de même facture. Nous en avons figuré les emplacements par des rectangles oranges sur notre schéma. Deux canonnières protégeaient la porte basse du château. Les trois autres étaient situées au sommet de la tour de flanquement nord.

Canonnière de la porte basse du Lutzelbourg, PiP

Le mur des lices portaient un chemin de ronde en bois posé sur le rempart. Il nous en reste aujourd’hui une ligne de corbeaux. Leur position proche du sol peut surprendre. Voici un schéma tiré du livre d’André Lerch qui explique pourquoi ils sont si bas.

Le chemins de ronde du mur les lices, dessin d’André Lerch

Les corbeaux du mur des lices, PiP

A proximité de la porte basse, le mur de lices a conservé la totalité de sa hauteur (environ cinq mètres). Avant intervention, il était couvert de lierre. Aujourd’hui, vous pouvez admirer le dernier arceau des faux-machicoulis qui couronnaient le mur des lices et la porte basse du château.
Les arases et les joints du mur ont été repris dans leur totalité par les bénévoles.

Mur des lices à proximité de la porte basse du Lutzelbourg

Les faux-machicoulis

La tour de flanquement nord domine l’ancien chemin d’accès au château. Sa position stratégique permettait une défense efficace grâce à ses trois canonnières. Cette tour est construite sur deux rochers de grès séparés par une faille. Un arc de décharge permettait d’assurer la solidité de l’ensemble. Avant l’intervention des AmChOtt, cet arc était fort endommagé, son parement écroulé : l’ensemble était fragilisé.

Tour Nord avec l’arc de décharge avant travaux

Pour restaurer la stabilité, il a fallu reprendre la maçonnerie à la base du rocher, avant d’atteindre l’arc, de remettre en place les claveaux manquants et pour finir obturer la béance qui s’était ouverte sous l’arc. Vraiment un travail complexe ! Voyez le résultat.

Tour Nord des lices, coté extérieur après travaux

Tour Nord des lices, coté intérieur après travaux

Maintenant que la base de la tour est stabilisée, les AmChOtt ont prévu de remettre en place les trois canonnières à partir des pierres taillées retrouvées à proximité. Un beau projet que ce couronnement de la tour nord des lices !

Merci et Bravo à nos maçons du Samedi
Jean-Bernard
Jean-Marc, Barbara et Olivier

Pour nos dossiers et pour le plaisir des yeux, trois des orthophotographies d’Étienne.

Tour Nord, vue de l’intérieur

Tour Nord, vue de l’extérieur, versant nord

Tour Nord, vue du dessus

• C.L Salch, La clef des châteaux forts d’Alsace, 1995
• A. Lerch, Château de Lutzelbourg-Ottrott, 2022

Canonnière Est de la tour de flanquement nord des lices du Lutzelbourg