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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

Hohenburg, château du Duc Adalric

27 Janvier 2013 , Rédigé par PiP, vélodidacte Publié dans #personnage, #chateau

Le Duc Adalric est le père de Sainte Odile, patronne de l’Alsace. Il est à l’origine de la fondation des couvents du Mont Sainte Odile. De cette lointaine époque, nous ne retrouvons que les tombes mérovingiennes, sur les terrasses du Mont et le cercueil où reposa le Duc. Qui était Adalric ? et quelle fut son action à Hohenburg ? Que dire de son château ?

Adalric dans les textes historiques

Né vers 635, duc d’Alsace avéré dés 662, mort en 690, Adalric connaît la vie mouvementée des chefs mérovingiens. C’est un personnage important à la cour royale de Childéric II, puis sous Dagobert II. Ces rois résident alors fréquemment en Alsace à la cour de Marlenheim. On voit Adalric combattre en Bourgogne, et même jusqu’en Provence. Adalric participe aux côtés de Pépin de Herstal, à la bataille de Tertry, en juin 687.

Les chroniques de l’époque nous présentent un personnage pour le moins  contrasté.

  • D’une part, Adalric est un guerrier de son temps aux méthodes brutales. Il serait le commanditaire de l’assassinat de l'abbé Germain de Moutier-Grandval. Quelques années plus tard, on le soupçonne d’avoir participé à l’exécution de son cousin, l’évêque d’Autun Saint Léger, en 678.
  • De l’autre, on retrouve son nom dans les actes de dotations aux diverses abbayes de son duché : Ebersmunster, Honau, Moyen-Moutier et bien sûr, Hohenburg et Niedermunster, les couvents du Mont-Sainte-Odile. Adalric est alors présenté comme un généreux donateur, un fervent chrétien et un bon politique.

 

Adalric à Ehenheim et Hohenburg

Plusieurs chroniques attestent que le Duc résidait soit à Obernai, anciennement Ehenheim, soit sur le Mont-Sainte-Odile, nommé alors Hohenburg. La plus ancienne est la Chronicon Novientense, rédigée à Ebersheim, vers 1130. Nous y lisons qu’Adalric habitait une ‘villa regia’ appelée Ehenheim ou bien un ‘castrum’ situé sur la montagne appelé autrefois Altitona qui fut traduit par Hohenburg, le Haut Château.

( Le texte exact, ses références, ainsi que les autres chroniques allant dans ce sens sont citées en annexe.)

Le duc et sa femme Bereswinde, après leur mariage en 655, partagent donc leur temps entre un palais, siège de l’administration du duc à Obernai, et une place forte située au dessus de la plaine, dans les Vosges. Les chroniques ne disent rien de plus.

Adalric et sa fille Odile

En 662, naît la petite Odile, première fille d’Adalric et de Bereswinde. Elle deviendra Sainte Odile.
A partir de cette date, les documents qui nous sont parvenus se rapportent plus à la vie et à la légende de la Sainte qu à son père. Ils sont nombreux, le plus ancien, connu sous le nom de Vitae Odiliae, est conservé à bibliothèque de Saint Gall, en Suisse. Ce texte rédigé au Xème siècle comporte vingt deux chapitres qui racontent la vie d’Odile. Nous nous contenterons d’y rechercher les thèmes liés au duc Adalric et à son ‘château’ d’Hohenburg.

Là encore, Adalric apparaît comme un personnage avec deux visages.

  • Adalric, brutal, chasse sa fille Odile, parce qu’elle est née aveugle. Odile revient à Hohenburg ayant recouvré le vue lors de son baptême. Sous le coup de la colère, Adalric tue son fils Hugues de ses mains. Plus tard encore, lorsqu’ Odile refuse de se marier, craignant l’ire de son père, elle doit s’enfuir d’Hohenburg…. Adalric serait un homme violent.
  • A l’inverse, on voit un duc croyant, faisant élever une chapelle dans son nouveau château. On le voit pardonner à Odile, lui offrir Hohenburg pour le convertir en couvent, participer aux travaux. Enfin, Adalric meurt chrétiennement, pleuré par sa fille.

 

Hohenburg, château d’Adalric

D’après la Vitae, ce sont les chasseurs d’Adalric qui lui ont suggéré de construire son château sur le Mont, à Altitona. A l’époque, les lieux ne portaient que les vestiges du Mur Païen ainsi que les ruines des fortins installés à l’époque romaine, et délaissés depuis longtemps. Le duc y aurait fait construire son ‘château’ ainsi que la chapelle déjà citée, et, selon Peltre, une rotonde posée sur six colonnes et dédié à Saint Jean Baptiste.

Le château d’Adalric n’avait doute que bien peu de choses en commun avec les fières forteresses qui nous connaissons sur les Vosges aujourd’hui. Le nom d’Hohenburg, le ‘Haut Château’, adopté dès l’époque prouve que le lieu était fortifié. Mais, les burgs en ruine qui entourent le Mont ont été construits vers 1’an 1200, pour les plus anciens. En 660, les châteaux étaient beaucoup plus simples, Adalric s’est vraisemblablement contenté de relever le Mur Païen et le fort romain, d’ériger quelques tours et autres défenses, pour entourer sa résidence d’été.

Les représentations tardives que nous avons du château d’Hohenburg doivent être fort éloignées de la réalité du moment. A Scherwiller, dans la chapelle Sainte Odile, une toile représente la servante qui fuit Hohenburg en emmenant la petite aveugle dans ses bras. Derrière elles, se dresse la fière silhouette d’une forteresse cernée de nombreuses tours fort élevées. Ceci n’a rien de mérovingien. Vous en conviendrez.

La Tapisserie de Sainte Odile, dont une copie orne le cloître du Mont, présente trois images du château d’Hohenburg. Les deux premières scènes sont très voisines et semblent réalisées d’après le texte de la Vitae Odiliae. La première raconte le retour d’Odile, la colère du Duc et la mort d’Hugues. Le seconde retrace la donation du couvent, Adalric remet les clefs d’Hohenburg à Odile. A l’arrière plan, on voit un château important, avec un donjon carré. Les murs sont crénelés, la porte est garnie d’une herse. Au fond, on voit la chapelle du burg. Hohenburg ressemble à une ville cernée de remparts.

Le dernier tableau représente la fondation des deux couvents, Hohenburg et Niedermunster. On y reconnait également Odile plantant les tilleuls de Niedermunster. Sur cette troisième image, le château est en plein travaux pour devenir un couvent : les fiers créneaux ont été arasés, la herse a disparu. Le côté forteresse a été atténué, mais les hauts murs sont encore bien présents.

Sur les trois dessins, les dimensions d’Hohenburg peuvent paraître importantes pour la résidence d’été d’un duc mérovingien, mais la Vitae ne nous dit-elle pas qu’Odile accueillit jusqu'à cent trente moniales à Hohenburg.

Comme les autres représentations dont nous disposons, la tapisserie tissée vers 1470 est ‘datée’. Les vêtements des protagonistes et l’architecture des lieux se sont guère représentatifs de l’an 700.

Pourtant, voilà tout ce que nous avons trouvé comme traces du château d’Adalric ! Sans doute, en restait il des éléments plus probants sur le Mont, avant le passage de Frédéric le Borgne. Les guerres, les incendies et autres vicissitudes sont venus à bout de l’antique Hohenburg, la forteresse du duc Adalric.

L’image la plus ancienne du Duc Adalric est exposée dans la galerie du cloître du Mont. C’est une stèle représentant Odile et Adalric, tout deux portant des cheveux tressés en longues nattes.

Illustrations
  • Tombeau du duc Adalric, Mont Sainte Odile
  • Cimetière mérovingien du Mont Sainte Odile
  • Sainte Odile, par ses prières, sauve l'âme d'Adalric. Manuscrit de Jérome Gebwiller, Sélestat.
  • Devant Hohenburg, Adalric frappe son fils Hugues, Tapisserie de Sainte Odile, Strasbourg.
  • La fuite de la servante de Bereswinde emportant Odile, au fond Hohenburg. Chapelle Sainte Odile, Scherwiller.
  • Adalric offre Hohenburg à Odile, Tapisserie de Sainte Odile, Strasbourg.
  • Odile transforme le château d'Hohenburg en couvent, Tapisserie de Sainte Odile, Strasbourg.

Note pour les Obernois : sous le troisième panneau de la tapisserie, en face du couvent d’Hohenburg, ils reconnaîtront la ville d’Obernai, avec son Kappelturm, si caractéristique. Au XVème siècle !

 

Le tombeau du Duc Adalric

Le tombeau du Duc Adalric

Textes qui attestent le double séjour du duc Athic à Ehenheim et à Hohenburg.

Chronicon Novientense ( 1130 )
« a prefato Rege (Childerico) ducatum Germaniæ adeptus fuerat (Atticus), habuitque sedem in villa regia que Ehenheim vocatur vel in castro in vertice montis sito, quod olim propter irruptionem ungarorum a superioribus regibus (Francorum) constructum et Altitona fuerat nuncupatum, nunc vero eadem etymologia Hohenburg nominatur.»

Fraçmentum historicum, Urstisium, ( 1260 )
« A præfato Rege Hilderico ducatum Germaniæ adeptus, habuitque sedem in villa regia Ehenheim et in castro quod Hohenburg nominatur »

Chroniques de Koenigshoven ( 1350 )
« Donoch wonete dirre hertzogo Ettich allermeist zu Ehenheim und uf der heidenschen vesten genant Hohenburg,»

Jérome de Gebwiller (1521)
« Also kam Hertzog Ettich heraus und zog in das Elsass gehn Ehnheim, da er dann gemeinlich sein Haus, Sedel und Hoff hat gehalten. »

Chroniques anciennes

« Temporis Hilderici Imperatoris erat quidam Dux Illustris nomine Adalricus, qui etiam alio nomine Edichin dicebatur ».
Vitae Odiliae ( initio in actis Sancto Ord. S. Bened. Faeculo 3.p11.)

Au temps de l'Empereur Childéric vivait un duc du nom d’Adalricus, qu’on appelait aussi Etichon. Il était de descendance franque et d’une famille des plus nobles

Tout en gardant le statut de laïc il voulait mener une vie agréable à Dieu et cherchait un endroit particulièrement approprié au culte divin... Des chasseurs le trouvèrent au sommet de la montagne qui, à cause de son altitude, s’appelait H o h en b u r g . L’endroit plût au duc et il y construisit une église ainsi que les autres bâtiments nécessaires aux serviteurs du Christ (Christo militantibus).

Vitae Odiliae -Faeculo 3.p11

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