Le Kloesterle à Mollkirch
Dans le hameau de Laubenheim, au dessus de la Magel, se dresse une minuscule chapelle. Cet édifice nous rattache au passé de la vallée retirée, dominée par le château de Guirbaden. Le visiteur curieux s’interroge sur le blason qui orne la façade. Ces armoiries ne sont pas celles d’une famille connue au pied du Mont-Sainte-Odile.
Le blason est celui des Stoerenburg, ils ‘portaient de gueules à la bande de vair’. En clair, trois petits capuchons de peaux de bêtes sur un bandeau rouge. Le blason est surmonté, à Laubenheim, d’une crosse d’abbé et le texte qui l’accompagne devrait nous renseigner sur le passé de la chapelle.
IOHES. STOER. ABBAS. IN. LUHBA. RESTAURATOR. H*. LOCI. ANO. DNI. 1485 : IW
Johannes Stoer, abbé de Lure, restaurateur de ce lieu, en l’an 1485. : IW
(I.W. pourraient être les initiales du maître d’œuvre de ces travaux.)
De prime abord, on est surpris de voir notre chapelle restaurée par les moines d’une abbaye de Haute Saône. Pourtant, dés sa fondation en 1135, la chapelle de Laubenheim était placée sous l’autorité de cette abbaye lointaine. Le comte Bruno était seigneur de Guirbaden et appartenait à la famille des Eguisheim, qui régnait alors sur une grande partie de l’Alsace et du Comté de Bourgogne. Lorsqu’il édifia la chapelle au dessus de la Magel, Bruno était également avoué de l’abbaye de Lure, et c’est à cette fondation qu’il a confié le petit sanctuaire.
Trois siècles plus tard, Johannes Stoer était un personnage important, prince de l’Empire. Il fut doyen de l’ abbaye de Murbach avant sa nomination à Lure. Pendant la Guerre de Bourgogne, Johannes fut enfermé un temps dans le château d’ Ensisheim par Pierre de Hagenbach, représentant de Charles le Téméraire. La famille Stoer était partie prenante des conflits en Alsace. C’est un an avant sa mort que Johannes, le ‘bon abbé de Lure’ fait restaurer l’humble chapelle.
On retrouve plus tard un Johann Rudolf von Stoer en 1555, il est abbé de Murbach et de Lure, lors de la réunion des deux abbayes.
Le Kloesterle était le siège d’un petit prieuré. Autour de la chapelle et du prieur, quelques moines qui pratiquaient l’agriculture et disposaient de plusieurs bâtiments.
- Maison d’habitation, avec réfectoire, cuisine, des chambres dotées de quatre lits selon l’inventaire du prieur Wyss, daté de 1490.
- Tuilerie
- Forge
- Grange aux dîmes
Tout un monde miniature et autonome dans le creux d’une vallée perdue.
- 1558 - Le prieuré semble délaissé, les communs sont cédés à un métayer, et la chapelle passe alors à l’Abbaye de Murbach.
- 1565 - Première apparition du terme ‘Kloesterle’ dans un texte.
- 1616 - Le Kloesterle passe sous la juridiction des Jésuites de Molsheim
- 1720 - Reconstruction du sanctuaire par les Jésuites.
Le Kloesterle est longtemps resté un lieu de pèlerinage dédié à la Vierge. On trouve plusieurs ‘ex voto’ du Kloesterle à l’église de Mollkirch.
Parallèlement, un marché aux chevaux se tenait à la Saint Barthélemy, près du prieuré.
L’édifice actuel est celui reconstruit par les Jésuites en 1720, on retrouve cependant , sur le côté est, quelques éléments de la chapelle primitive.
A l’extérieur, la porte est surmontée du blason et de la plaque commémorative de Johannes Stoer. Le tympan roman monolithe présente de fines sculptures en entrelacs. Une croix grecque et une croix des pèlerins complètent l’ornementation. Inclus dans le mur, un arc roman en plein cintre de grande dimension. Celui-ci donne peut-être l’orientation initiale du bâtiment, en effet la chapelle est aujourd’hui orientée nord-sud, ce qui n’est pas habituel. A droite de la porte, sur le pilastre, se trouve un visage sculpté, peut-être une représentation naïve du fondateur de la chapelle : Bruno d’Eguisheim.
A l’intérieur, les vestiges romans sont également sur le mur situé à l’est. Fleurs et entrelacs, d’une grande finesse, sur l’encadrement de la porte.
En face de la chapelle, l’ancienne maison du prieur a été restaurée au XVIIIème siècle. L’édifice garde plusieurs moulures anciennes aux portes et fenêtres. Dans la cour, la vieille fontaine est toujours alimentée par une galerie souterraine. Sous le Kloesterle, l’ancien jardin du priorat a été réhabilité et aimablement transformé en square.
L’ensemble du site est des plus agréables.
La visite du Kloesterle peut être l’occasion de deux promenades déjà proposées sur notre site : le Rosenmeer au départ de la Fischhutte, et le château de Guirbaden au dessus de Mollkirch.
A Mollkirch même, l’amateur de sculptures du moyen âge, pourra rechercher la pierre du parapet du pont de la Magel dont nous proposons un relevé. Lors de la réfection du pont, au lieu-dit le Moulin, cette pierre fut sauvée et déplacée par la mairie de Mollkirch.
Dernier clin d’œil : sur la façade de l’église de Mollkirch, se trouve cette sentence :
‘Ein grosses Werk, nicht einem Menschen, sondern Gott wird eine Wohnung bereit.’
La citation est visiblement tronquée. Voici le texte complet du verset dans l’Ancien Testament, tiré des Chroniques (v.29.1) : ‘Le roi David dit à toute l’assemblée : Mon fils Salomon, le seul que Dieu ait choisi, est jeune et faible, et l’œuvre est grande, car ce palais n’est pas destiné à un homme, mais au Seigneur.’. Les versets suivants forment une énumération des richesses utilisées par David pour la construction du Temple de Salomon : or, argent, bronze, fer, bois, onyx, pierres précieuses, albâtre… L’église Saint Joseph de Mollkirch ne connaît pas une telle splendeur, elle semble plus modeste et la sentence choisie surprend.
- Blason des Stoer de Stoerenburg
- Tympan monolithe
- Plan de la chapelle – PiP
- Sculptures intérieures de la chapelle
- Relevé de la pierre du pont du Moulin, relevé PiP selon photo M.H.
- Portail est du Kloesterle
- A. Friderich, Annuaire Société Histoire de Molsheim, 1976
- J. Wimmer, das Kloesterle, 1933
- L.Besson, L’abbaye et la ville de Lure, 1845