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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

Les citernes du Dreistein

18 Juin 2013 , Rédigé par PiP, vélodidacte

Trois châteaux sur un rocher. Trois familles de ministériels, leurs serviteurs, les petites garnisons. Combien de personnes vivaient au quatorzième siècle sur le site de Stein ? Une centaine, peut-être même plus à la grande période du couvent d’Hohenburg. Sans compter les chevaux, les animaux des basses cours. Le problème de l’approvisionnement en eau de cette petite colonie était bien réel. Cette question quotidienne s’est répétée dans tous les châteaux de montagne partout en France. Comment a –t-elle été résolue au Dreistein ?

Approvisionnement en eau

En temps de paix, la solution est simple et toujours la même. Les châtelains s’approvisionnent à la source la plus accessible. Lorsque la source est proche, on pose une conduite, comme au Lichtenberg ou à la Petite-Pierre. Si la source est plus lointaine ou trop basse, il faut alors organiser une corvée d’eau, portée par des mulets. Quelques serviteurs font des rotations et remplissent des barriques et des cruches pour les monter au château. L’essentiel de l’eau consommée au Dreistein a été transportée de cette manière à partir de la Badstub. Cette source claire et abondante coule dans une grande cuve de grès, à quelques centaines de mètres des châteaux de Stein, en contrebas et au sud. La Badstub est la seule source importante et régulière sur ce versant du Mont-Sainte-Odile.
En période de calme, cette solution est idéale, par contre, lorsqu’un conflit éclate, voire lors d’un siège, la position des châteaux de montagne est rapidement critique. L’accès aux sources est coupé, les conduites sont détruites. Les châtelains se doivent d’avoir une ressource en eau indépendante. Lorsque le site s’y prête, le plus souvent en plaine, les seigneurs font alors creuser un puits ou entourent leur château de douves. En montagne, le forage de puits est toujours complexe et surtout long et onéreux. Seuls les sites les plus importants optent pour cette solution. Alors, il faut souvent creuser fort profond…. Le record de France de la spécialité doit être le site du Château de Joux dans le Jura avec 147 mètres ! Le puits, très large, est creusé dans le calcaire jusqu’à la nappe. Lors de la visite du fort, le guide propose à chacun la descente du haut de la montagne jusqu’au niveau de l’eau : c’est glacial et très impressionnant ! En Alsace, les puits dans les Vosges sont rares. Au Haut-Koenigsbourg, le château emblématique des Hohenstaufen, la profondeur du puits est de 63 mètres, et, de plus, un deuxième forage a dû être effectué ! Peu de sites ont pu s’offrir le luxe d’un tel puits : pourtant on retrouve cette technique au Haut-Barr, au Windstein, au Berstein et à Lutzelbourg, non loin de Saverne, où le puits rejoint le niveau de la Zorn qui coule en contrebas. Pour les châteaux de moindre importance, une autre solution a été adoptée : la récupération des eaux de pluies dans de vastes citernes. Le plus souvent, les citernes sont creusées dans le grès, ou maçonnées, lorsque le sol ne permet pas de forer aussi facilement, comme au Landsberg, par exemple à quelques pas de Stein. Une dernière solution est la citerne à filtration, c’est celle qui a été retenue au Dreistein.
Sur le site de Stein, deux citernes ont été retrouvées, une dans la tour barbacane de l’entrée du château oriental, l’autre à proximité de l’entrée du château du milieu. Toutes deux ont été sondées par E. Hering en 1883, on ne retrouve malheureusement pas de traces écrites des résultats de cette fouille.
R. Kill mentionne pourtant dans son étude un passage du livre de M.Herbig abordant cette fouille : « ein schöner Brunnen, den Herr Hering 1883 auf drei meter Tiefe hat aufräumen lassen, auch des Verschlussstein wurde gefunden. ».
Lorsqu’on se promène dans les ruines de Stein aujourd’hui, seule la citerne orientale est accessible.

Le principe de fonctionnement

Le principe de la citerne à filtration est simple et ingénieux. Les eaux de pluie sont amenées par un système de chéneaux dans une vaste cuve creusée dans le grés. Cette cuve est remplie de matière filtrante : sable, plaques de grès. Au centre de la cuve, un puisard a été aménagé. L’eau, après filtration, remonte dans le puisard. On peut alors puiser une eau pure. Au château du Nouveau Wasigenstein, on peut voir une citerne à filtration en état de fonctionnement : chéneau d’amenée des eaux pluviales, cuve emplie de sable et grès, puisard central cylindrique. Plus proche d’Obernai, la citerne creusée dans le grès au Bilstein près d’Urbeis est impressionnante, malheureusement, le puisard central n’a pas été conservé. Au Kagenfels, l’équipe qui restaure le site a également dégagé la citerne.

Les fouilles

A Stein, René Kill, le spécialiste alsacien, a fouillé le puisard cylindrique de la citerne orientale en 1988. Son document explique très précisément les résultats obtenus. En voici résumés, les points essentiels.
La profondeur alors mesurée du puisard est de 6 mètres 68, et Kill estime la hauteur totale à 7 mètres 50. Le diamètre moyen est de 76 centimètres. L’ensemble est réalisé en grès avec 28 assises. Kill a publié un relevé précis des pierres, avec les signes lapidaires des tailleurs de pierre. Presque toutes les pierres sont marquées, toutes les pierres d’une même assise portent le même signe. Ces marques étaient destinées à repérer les pierres d’un même niveau lors du montage du puisard.

Lors de la fouille, René Kill a retrouvé et dégagé la margelle qui dominait le puits. Quatre éléments formaient un octogone double de 78 cm de coté. Cette margelle serait au Musée de Saverne, malheureusement non exposée. Il n’y avait ni potence ni treuil, et les seaux étaient remontés à bout de bras. Le puisard sondé contenait également un mobilier important : céramique, objets en fer ou en os ainsi qu’un pfennig de la ville de Strasbourg des années 1391-1393. Ce mobilier, que Kill estime dater de la fin du XIVème -début XVème, ne serait pas tombé par hasard dans le conduit du puisard. Kill pense que la citerne a été abandonnée à cette époque (aux environs de l’an 1400), soit suite à un effondrement du mur de soutènement, soit suite à la création d’une autre citerne dans les murs mêmes du château. La tour barbacane, elle-même, n’a malheureusement pas été fouillée.
Le volume du puisard est de 3,40 mètres cube. Trois mille litres d’eau pure lorsque le puits était presque plein. Etait-ce suffisant pour l’ensemble de la garnison lorsque se prolongeait un siège ? Les concepteurs en ont jugé ainsi. Il est vrai qu’au volume du puisard, il faut ajouter celui de l’eau en cours de filtration, plus difficile à évaluer sans une fouille complète de la tour barbacane.

La citerne du château du milieu se trouvait à proximité de la porte gothique, elle aussi en dehors des murs, du côté de la basse cour. Elle n’est plus visible aujourd’hui, comblée par les éboulements des murs qui la surplombaient.

' Zu diesem führt eine schmale, in die Felsen gehauene Staffel, auf deren rechter Seite die von Herrn Hering 1881 augeräumte Zisterne liegt', nous dit Herbig en 1906.

Y avait-il une troisième citerne dans le château occidental?  C’est fortement probable. Nul document n’y fait pourtant allusion et nous n’avons rien remarqué sur le site. Pourtant une partie des chéneaux est encore visible à la jointure du mur bouclier et du donjon.

Sources
  • R.Kill, Les enseignements d’une fouille de citerne à filtration au château du Dreistein Oriental, 1992.
  • M. Herbig, Städte und Burgen in Elsass-Löthringen , Heft XI, 1903
  • M. Herbig, Dreisteinschlösser, Birkenfels und Kagenfels, 1906

 

Illustrations
  • La source de la Badstub
  • Support de chéneau, Stein Occidental
  • Schéma de situation des citernes, PiP
  • Schéma de fonctionnement, PiP
  • Puisard de la citerne du Stein Oriental
  • Margelle du Stein Oriental, photo R. Kill
  • Chéneau tombé dans les fossés sud du Stein Occidental

Retrouvez nos autres articles dédiés aux Châteaux de Dreistein. ( cliquez sur le lien )

 

La citerne du Stein Oriental

La citerne du Stein Oriental

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Commenter cet article
L
Ingénieux comme système de filtration. Aux Baux-de-Provence, la citerne est équipée d'un mur perçé d'une multitude de trous qui assuraient la filtration d'une cuve vers l'autre. L'eau de pluie n'était pas polluée comme maintenant, mais en passant par les cheneaux, les gouttières et autres systèmes de récupération, elle se chargeait probablement d'éléments indésirables et de matières organiques susceptibles de macérer et de donner un goût douteux.
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A
toujours aussi agréable à lire et bien illustré
Répondre
P
Je m'améliore pour les dessins, petit à petit....<br /> prochain article sur le Stein... les donjons, ou bien la grande bretèche.... je vais voir !