Porte au Pont-Levis du Lutzelbourg : bravo à nos maçons et merci à André Lerch!!
Article tout en images !
Lorsqu’au début du XVème siècle, Egenolf et Hans de Rathsamhausen se voient confirmer leurs droits sur le Lutzelbourg, le château semble en piètre état, presqu’en ruines. Les deux frères vont relever la forteresse, y bâtir l’élégant Palais 1400 que les AmChOtt ont réhabilité en 2023. Une belle réussite ! Venez voir !
Le système de défense va également être revu, et l’entrée du château modifiée. Une porte nouvelle est érigée au sommet de la rampe d’accès. Elle est renforcée par un élégant contrefort, une prouesse technique.
On entrait dans le Lutzelbourg par trois portes en enfilade, voici la seconde. Dominant la rampe d'accès, la porte s'appuie à gauche sur la haute enceinte du château. A sa droite, un contrefort vient la renforcer.
Château de Lutzelbourg, porte au pont-levis
La feuillure rectangulaire nous indique que la porte était précédée par un pont-levis. Ce système de défense a été abandonné par la suite, la fosse qui s'ouvrait devant la porte a été comblée.
Faux mâchicoulis
Un arc de décharge surbaissé permet de répartir la charge, une ligne de faux mâchicoulis renforce le système de défense. Les arcades sont constituées de briques, elles reposent sur d'élégants corbeaux à liseré.
Niche et aigle impériale (martelée)
Une belle pierre sculptée hexagonale agrémente le tout. Dans la partie haute, une petite niche a été ménagée, elle contenait l'image du protecteur des lieux, la Vierge ou un des saints de l'Eglise. La partie basse a été martelée : on distingue difficilement la silhouette d'une aigle, tête tournée vers la droite de l'image : le Lutzelbourg était fief impérial.
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Couronnement de la porte au pont-levis du Lutzelbourg
Comme vous pouvez en juger, la porte et son contrefort sont couronnés par une élégante corniche, aérienne, exigüe.
Pénétrons sous la porte. Sur le seuil, à vos pieds, au niveau des chasse-roues, un système de tenons et mortaises assuraient une bonne résistance de la porte aux coups de béliers de l'agresseur. Les constructeurs du Moyen Âge utilisaient la même technique que ceux du Mur Païen à la différence qu' ici les tenons étaient en fer.
Mortaise du seuil de la deuxième porte du Lutzelbourg
Entrez, levez la tête ! A votre gauche, voici la crapaudine, gros gond de pierre, qui permettait de fermer et d'ouvrir l'unique vantail de la porte.
Crapaudine de la seconde porte du Lutzelbourg
Base de l'axe de rotation de la seconde porte du Lutzelbourg
Ope de la poutre qui assurait le verrouillage de la porte
Notons en souriant que l'art du graffiti n'est pas nouveau. Caspar et Henckel ont cru intelligent de graver leurs noms sur le montant de notre porte en 1889. Honte à eux. Plus intéressants, les deux T sont les marques du tâcheron qui a taillé la pierre. Cet homme était plus méritant et plus discret que nos vandales du XIXème siècle.
Et voici pour finir cette courte visite, voilà la même porte vue de l'intérieur du château.
Notre porte a fière allure. Pourtant ce bel élément d'architecture est bien fragile et fort menacé. Quelques pierres branlantes menacent de tomber. Avec les siècles, la végétation a pris racine sur son sommet. Vraiment pris racine, jugez en par la dimension de cette souche, pourtant maint fois coupée.
Le dallage de la plateforme a été soulevé, déplacé. Il a totalement perdu son rôle d'étanchéité. A chaque pluie, l'eau s'infiltre dans la maçonnerie de la porte. Jetons un petit coup d'œil sous cette même dalle.
Le désastre est patent : il va falloir descendre bien profond pour éradiquer la plante. Démonter une partie des pierres qui constituent l'arche de la porte. Bigre !
Quand ils en sont là, nos maçons ne sont pas au bout de leur peine.
Mais, passons à la suite des opérations ...
Reprise des arases du muret, angle sud-est de la plateforme
En trois temps et pas mal de mouvements, les murets qui cernent la plateforme ont été repris, consolidés, rejointoyés. Nos virtuoses de la truelle ont même remis en place la base d'un créneau.
Note : les joints en surface sont dessinés pour assurer un écoulement des pluies vers l'extérieur du mur.
Passons au dallage de la plateforme sommitale.
Le volume du mur enfin débarrassé de ses multiples racines, la terre accumulée évacuée et remplacée par des pierres de blocage et du mortier, il s'agit maintenant de couvrir le tout en assurant l'étanchéité de l'ensemble.
Il nous manquait des dalles, d'autres étaient fragmentées et inutilisables... nos maçons ont donc taillé le grès.
Et voici le résultat !
Vue de dessus de la porte restaurée
Première remarque : cette plateforme est vraiment exigüe. Au maximum, deux défenseurs pouvaient s'y tenir avec leur armement. Protégés par les merlons, en surplomb grâce aux mâchicoulis, ils pouvaient défendre efficacement l'entrée du château.
Mais comment étaient ils montés là-haut ? Nous n'avons pas trouvé de trace de l'accès à la plateforme.
Deuxième remarque : nos maçons bénévoles sont des pros! Ils ont travaillé à six mètres du sol pour récréer une plateforme inaccessible au plus grand nombre. Ils ont ainsi sauvé la porte monumentale, certes, mais aussi sécurisé l'accès à l'intérieur du château du Lutzelbourg. Un grand bravo à Pierrot et à son équipe !
Didier et Pierrot
Nos maçons du mardi : Jean-Paul, Didier, Michel, Pilou et Pierrot.
Ce doit être Alain qui prend la photo.
Pendant que nos mardistes jouaient de la truelle au dessus de cette porte, notre ami André Lerch, autre bénévole des Amis des Châteaux d'Ottrott, se livrait à un travail tout aussi fondamental et combien passionnant : la rédaction de son étude consacrée au château de Lutzelbourg-Ottrott.
La porte au pont-levis, relevé d'André Lerch
(détail de l'élévation sud du château, réalisée au format A0 )
Le livre d'André, paru en 2022, est disponible sur simple demande aux AmChOtt soit lors d'une visite aux châteaux, soit sur notre site internet.
André faisait partie de l'équipe de Monsieur Salch qui a tant œuvré pour les Châteaux d'Ottrott entre 1974 et 2001. C'est dire que mieux que quiconque André connait chaque pierre des nos châteaux.
Le contrefort et ses faux mâchicoulis, relevé d'André Lerch (détail)
Le travail et le livre d'André représentent une somme de connaissances des plus appréciables :
- Chaque élément d'architecture du château est décrit de façon minutieuse : photographies, dessins et textes.
- Chaque phase de construction de chaque mur est étudiée. Les différents scénarios sont proposés et discutés.
- André s'appuie sur l'iconographie ancienne pour tenter de compléter les éléments aujourd'hui disparus ou incomplets.
- Sa présence sur le site depuis 1974 permet de mieux comprendre, de souligner le travail inouï effectué alors par l'équipe de Monsieur Salch aux châteaux.
- La brève étude historique qui clôt le livre situe le château dans l'histoire du site, celle du Mont Sainte-Odile et celle de l'Alsace.
Bref, le livre d'André est incontournable pour tout amoureux des lieux. Toute personne appelée à travailler sur les châteaux d'Ottrott devrait systématiquement s'y référer.
La porte au pont-levis, vue de l'intérieur, relevé André Lerch
Pour illustrer plus avant le travail d'André, intéressons nous à quelques détails du livre, ceux qui concernent notre porte au pont-levis.
Relevé André Lerch (détail : porte au pont levis)
Chaque pierre est représentée. Les bossages de chaque pierre à bosse sont dessinés. Chaque brique des mâchicoulis est présente. Les liserés des corbeaux sont soulignés. André a légèrement ombré son relevé pour noter une impression de relief. Bravo l'artiste !
Relevé André Lerch (détail : haut du contrefort)
Sur cette vue du contrefort, André nous montre la forme pour le moins inhabituelle du larmier : un trapèze ! Le texte du livre explique cette configuration inattendue.
Note : Le mur du Haut Château comporte sur le dessin d'André des zones fortement ombrées qui représentent des pierres tombées. Depuis la parution, ces pierres ont été remises en place et rejointoyées par nos maçons.
Pourquoi le larmier est -il trapézoïdal ? Deux plans d'André vous fournissent l'explication. Sur le plan de gauche, vous voyez le plan de masse à un mètre du sol. Le contrefort n'est pas situé correctement en vis à vis du mur d'enceinte du château. Quatre mètres plus haut, au dessus de l'arche, l'architecte a du relier les deux éléments, en pivotant légèrement la plateforme, vis à vis de la base du contrefort. Le raccord se fait au niveau du larmier : c'est la raison de cette forme incongrue.
Comme le remarque plaisamment André, 'ils' auraient pu faire plus simple !
André n'est pas seulement un géomètre de talent et un connaisseur de l'architecture médiévale. C'est aussi un artiste.
Le corbeau d'angle situé au dessus du larmier a une forme singulière, lui aussi. André l'a redessiné, juste pour notre plaisir. Merci !
- Les photographies du chantier ont été prises par nos maçons
- Les photographies de la porte, de ses détails sont d'Etienne
- Les relevés et dessins sont extraits du livre d'André Lerch :
Château de Lutzelbourg-Ottrott
Châteaux Forts d'Europe N°101/102/103/104 2022
Le livre est co-signé par Vincent Lerch, fils d'André.
Vincent a épaulé efficacement son père
pour la campagne de relevés sur site.
Note : André Lerch est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux châteaux d'Alsace: Dreistein, Châteaux Rochers des Vosges du Nord et du Palatinat, Ramstein... Même engagement, même qualité.
Maçon, comme Pierrot ? Géomètre comme André ?
Photographe comme Etienne ? Jardinier comme Catherine ?
Guide comme Pascal ? Trésorier comme Thierry ? Chinoise comme Céleste ? Tailleur de pierre comme Jean-Bernard ? Passionné d'oiseaux ? de plantes protégées ?
ou incompétent doté de deux mains gauches comme moi...
Vous avez votre place dans la joyeuse équipe des AmChOtt !
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