Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

Le Mur Païen est-il celte ?

2 Février 2024 , Rédigé par PiP vélodidacte Publié dans #lieu

Après avoir envisagé et rejeté l’hypothèse d’une enceinte édifiée au néolithique ou à l’âge du bronze, nous étudions aujourd’hui la possibilité d’une construction érigée par les Celtes. Gaulois, Alamans, Médiatriques, Triboques, les peuples candidats sont nombreux. Mais qu’en est-il vraiment ?

Le Mur Païen du Mont Sainte-Odile

Le Mur Païen du Mont Sainte-Odile

Les premières hypothèses celtes

Le premier auteur à prétendre que le Mur était celte fut Hugo Peltre, chanoine du Mont Sainte Odile, en 1719. Hugo nous affirme que la fortification fut construite ‘long-temps avant la naissance de Jésus Christ’. Après une description du Mur et des encoches en queue d’aronde, le récit d’Hugo nous narre la fin des Celtes sur le Mont ! Je ne résiste pas au plaisir de vous proposer ce passage. (Note : Hugo Peltre désigne le Mont Sainte-Odile par son nom allemand : Hohenburg, qu'il francise plaisamment 'Hohembourg' .)

La puissance des Seigneurs d’Hohembourg étant augmentée à un tel point que tout pliait sous leur volonté… jusqu’à ce que les Romains vinssent troubler leur commune félicité.
Ce fût environ soixante ans avant la naissance de Jésus Christ que cette nation, alors dominante & par tout victorieuse, mesurant ses droits sur sa seule facilité de conquérir, porta en Alsace ses armes triomphantes. Quoiqu’on fit par tout vigoureuse résistance : cependant rien n’arrêta ces légions toujours déterminées à périr ou à vaincre, particulièrement sous un chef comme Jules César, dans la Guerre des Gaules.
La muraille et le château d’Hohembourg s’opposèrent seuls à ses conquêtes. Là, le terrain fut disputé avec une opiniâtreté qui eut rebuté sans doute tout autre que les Romains : mais bien loin de perdre courage, ils s’irritèrent à la vue du péril et de la difficulté. Ils forcèrent cette barrière qu’on croyait inaccessible : tout céda à leur valeur et à leurs redoutables béliers et on fût contraint de se rendre à leur discrétion, et à leur clémence. Tout en étant en leur disposition, ils firent en partie démolir les châteaux qui étaient sur les hauteurs & ne se réservèrent que celui de Hohembourg qu’ils jugèrent nécessaire et suffisant pour assurer leur conquête.

Hugo Peltre, La Vie de Sainte Odile Vierge, 1719, pages 134 & 135

Jules César aurait assiègé le Mont Sainte-Odile sans même le mentionner dans sa Guerre des Gaules ? Bigre ! Le bon prieur Hugo ne reculait devant rien pour assurer la gloire et la publicité de son monastère ! Quoiqu’il en soit, le Mur était bien celte pour Hugo Peltre.

Coupe de la Tène, fouilles H. Zumstein, 1967

Dans les années qui suivirent, bien d’autres auteurs suivirent, plus sérieusement, cette hypothèse d’un Mur celte. Nous avons déjà traité des auteurs anciens et de leur avis sur le Mur Païen. La plupart tenaient pour un Mur romain, mais les pro celtes étaient présents. Rappelons pour mémoire les noms des tenants d’un Mur celte : Grandidier, Schweighaueser, Levrault, Pfister,… Les arguments proposés proviennent d’études de documents, de comparaison et non de travaux de terrain. Ils visent le plus souvent à écarter l’hypothèse romaine. Nous ne sommes pas convaincus.

Néanmoins, longtemps forte en vogue, l’idée d’un oppidum celte a inspiré de nombreux illustrateurs, témoins des deux illustrations dues à Tanconville et à Touchemolin. De fiers cavaliers gaulois caracolent devant le Mur.

Le Mur Païen est-il celte ?

Venons en maintenant aux chercheurs qui ont travaillé sur le site.

La lecture de Robert Forrer - 1899

Nous avons dit longuement notre admiration pour les travaux de Robert Forrer en ce qui concerne les carrières de grès du Mur et les méthodes d’extraction des pierres. Robert s’est tout naturellement posé la question Qui a construit le Mur ? . Sa réponse est claire : les gaulois ! Tout en se démarquant de ses prédécesseurs et en balayant les affirmations ‘celtomaniaques’ de Levrault et consors, Robert Forrer est cependant un des fervents tenants de la thèse celte.

Son argumentation commence par un long réquisitoire contre les thèses de J. Schneider, tenant du Mur Romain. Tout est mêlé : textes latins, histoire romaine, stratégie, architecture. La conclusion de Robert est péremptoire, sans être vraiment argumentée : le Mur ne peut être romain !

C’est également sur la base des textes latins qui parlent des Gaulois et sur des analogies avec les oppidums du Mont Beuvray et d’Alésia, que Robert fonde sa conviction finale : le mur est gaulois et il a été édifié par les Médiomatriques entre l’an 250 et l’an 100 avant notre ère.

Ceci nous paraît, pour le moins, trop simple, trop rapide pour convaincre. Non ?

Coupe Hallstatt (1200-600 avant notre ère)
musée de Mont Sainte-Odile, photo publiée par F. Petry

La thèse de Hans Reinherth - 1944

Les recherches entreprises par les allemands pendant la deuxième guerre mondiale semblaient tenir d’un a priori bien marqué. Hans est visiblement venu sur le Mont Sainte-Odile pour prouver que le Mur était une construction alémanique, donc celte, mais des celtes qui viennent de l’autre côté du Rhin, les Triboques. Le Mur est alémanique donc allemand, tout comme le sont alors l’Alsace et la Lorraine. Hans ne peut pas être plus clair : ‘Quod erat demonstrandum’ disait mon professeur de mathématiques !

Les résultats de ces travaux n’ont pas été publiés, et le peu que nous en savons ne permet pas d’avancer l’ombre d’un indice allant dans ce sens.

Les propositions de Hans Zumstein - 1970

Nous avons dans un article précédant détaillé la découverte par Hans Zumstein d’un tronçon de Mur Païen situé sur le plateau devant l’entrée du couvent. Sur la base des tessons mis à jour, Hans avait daté cette section de l’Âge du Bronze final. Comme nous l’avons dit, cette analyse a été contredite par une étude postérieure et plus complète de l’endroit.
Dans sa ‘Contribution à la datation’ publiée en 1970. Hans Zumstein donne ses conclusions après tant d’années d’étude du Mur.

Selon Hans, le mur a été construit en deux phases :

  • Première phase : construction de l’enceinte principale et des deux transversaux en fin de l’Age du Bronze (hypothèse rejetée depuis) ou lors de la Tène, donc en période celte.

  • Deuxième phase : construction des portes et reprise du mur versant ouest lors de l’occupation romaine. La construction en deux phases est tangible de par les ré-utilisations nombreuses de blocs avec les mortaises mal placées dans ces parties du Mur. Hans propose le quatrième siècle, période des invasions alémaniques en se basant sur le nombre élevé de monnaies romaines de cette période

Objets retrouvés par H. Zumstein en 1967 (Tène, 425 à 25 avant notre ère)

Cependant, Hans se montre fort prudent dans ses propositions. Il reconnaît que le mobilier retrouvé est peu important et le plus souvent hors stratigraphie. Ses arguments en faveur de la construction initiale par les Celtes se limitent à la taille de l’enceinte, qui rappelle les oppidums gaulois.
L’explication donnée pour la technique ‘queue d’aronde’ serait une ‘hypothétique influence mycénienne, grecque ou hellénistique’.
A part la construction du Mur en deux phases, nous ne trouvons rien de vraiment probant.

Monnaies gauloises, potins de la Tène - H. Zumstein, fouilles 1967

Comparaison avec les places-fortes celtes de notre région

Nous n’avons trouvé que peu d’indices et des arguments bien ténus pour une construction du Mur par les Celtes. Continuons cependant de creuser avec ténacité cette hypothèse en nous transportant dans quelques places-fortes celtes de nos régions. Nous pourrons alors comparer les tracés, les abords des murs et la technique employée. Nous avons sélectionné cinq sites, tous à moins de 90 minutes de route du Mont. Nous dirons quelques mots sur chacune d’elle, en nous attachant à la présentation du type de rempart qui les protège.

La Heidenstadt à Ernolsheim-lès-Saverne

Le site de la Heidenstadt est situé sur le Frohnberg, hauteur qui domine le village de Ernolsheim au nord de Saverne. Il couvre environ 25 ha. Les versants nord et sud présentent des à-pics importants, parfois 10 à 20 mètres. Par contre, les extrémités Est et Ouest sont plus facilement accessibles. Elles sont protégées par deux murs traversés en leur milieu par deux portes. Les deux murailles ont une longueur d’environ 350 mètres et sont distants de 600 mètres environ.

Heidenstadt, plan publié par C. Féliu

Clément Féliu a fouillé le site (2007-2009). Son rapport nous détaille la structure des deux murs. Il s’agit de murs gaulois (murus gallicus) composés de poteaux verticaux en bois, distants d’environ 2,60 mètres. Ces poteaux de section moyenne de 35 centimètres sont reliés par des madriers transversaux horizontaux. Le vide entre les madriers est comblé par des blocs de grès, de forme parallélépipédique, taillés, sans mortier. La hauteur du mur devait avoisiner les 2,50 mètres.
Voici une image publiée par Clément Féliu, où les éléments en bois, disparus aujourd’hui, sont figurés en gris foncé.

Mur gaulois de Heidenstadt – photographie publiée par C. Féliu

Les deux murs sont précédés de fossés de 10 mètres de large environ.

Les deux portes sont de type ‘Zangentor’, c’est à dire que les deux ailes (8 à 10 mètres) sont légèrement rentrantes.

Une trentaine de tessons de céramiques ont été découverts. Par contre, pas de trace d’habitat. Selon Clément Féliu le site remonterait au premier siècle avant notre ère. Il n’aurait connu qu’une utilisation épisodique. En quelque sorte, il aurait fait fonction d’annexe de l’oppidum principal du Fossé des Pandours situé à quelques kilomètres. (voir plus avant)

Le Camp de Bure à Saint-Dié

Le Camp de la Bure domine Saint-Dié des Vosges. Site archéologique bien mis en valeur, le plateau couvre 3 hectares. Il fut occupé pendant la période romaine. Le Musée de Saint-Dié présente une partie des découvertes archéologiques de Georges Tronquart et de ses équipes qui ont fouillé la place pendant plus de dix ans.

Plan schématique du Camp de la Bure, selon G.Tronquart

Nous nous intéresserons à la muraille qui protège l’entrée du camp. Le mur, coudé à l’origine, comme indiqué sur le plan, a été redressé dans une deuxième phase. Il mesure près de 40 mètres. Il est constitué de pierre sèches, large de 3,25 mètres pour une hauteur estimée de 2,40 à 2,80 mètres. Comme à la Heidenstadt, il s’agit d’un mur de type murus gallicus : poteaux de chêne, reliés entre eux par des broches en fer dont treize exemplaires ont été retrouvés. Entre les poutres, on a utilisé des blocs de grès, taillés, sans mortier. Le mur est précédé d’un large fossé. Selon G. Tronquart, le mur daterait du IIème ou du Ier siècle avant notre ère.

Le mobilier archéologique est important. Les céramiques sont nombreuses : pots, écuelles, tonnelets, bols. Les armes sont variées : javelots, lances, pointes de flèches. Il semble que le site ait abrité plusieurs ateliers pour le travail du métal : essentiellement le fer, mais aussi le cuivre et même plomb.
Il m’est, le plus souvent, difficile de discerner la partie des objets qui sont gaulois de ceux qui sont issus de l’occupation gallo-romaine. Pour les monnaies, c’est plus simple : 346 monnaies gauloises et 250 monnaies romaines !

Objets découverts lors des fouilles, publié par G. Tronquart

On remarquera sur la stèle gallo-romaine les outils de forgeron dans les mains du personnage situé à droite. Les objets métalliques ont été trouvés dans une cache.

La Pierre d’Appel à Etival-Clairefontaine

La Pierre d’Appel domine la vallée de la Meurthe non loin de son confluent avec le Rabodeau. L’éperon rocheux enserre un site de 2,5 hectares. L’essentiel est entouré de corniches d’une dizaine de mètres de hauteur. L’accès se faisait par l’ouest, là où la déclivité est moindre. Ce versant ouest est protégé par un rempart. C’est l’objet de notre visite.

Plan de la Pierre d'Appel, publié par A. Deyber

La muraille est précédée d’un fossé. Elle est constituée exclusivement de pierre sèches (grès). Selon Alain Deyber, elle était surmontée par une palissade et portait vraisemblablement des tours en bois (hêtres). L’accès se faisait par deux portes situées aux extrémités du mur, dominées par des structures également de bois. Les autres limites du site portaient, au dessus de la corniche rocheuse, soit des murs de lisière, soient des palissades. Cette partie du camp est datée par Deyber de la Tène Moyenne, 250 à 170 avant notre ère.

Schéma du rempart – dessin de A. Deyber

Le mobilier retrouvé dans cette petite enceinte est très important. Plus de 17,000 objets en bon état et tessons. Céramiques, amphores, dolia mais aussi de nombreux objets métalliques dont 2300 clous. Les fouilles ont révélé l’habitat, mais aussi un atelier de fonte du métal (fer, cuivre, bronze), une citerne, des sépultures.
Coté monnaies : 13 monnaies gauloises et 4 monnaies romaines.

Objets trouvés à la Pierre d’Appel, publié par A. Deyber

Le Fossé des Pandours à Saverne

Le camp celtique est situé en haut du col de Saverne, de part et d’autre de la route nationale N° 4. Il couvre 170 hectares et occupe un éperon rocheux : l’essentiel du pourtour (environ 7 kilomètres) se compose de falaises rocheuses qui jouent un rôle défensif. Le point faible est situé au nord du camp : c’est à cet endroit que fut édifié un rempart important, de type murus gallicus. (Cf. étude S. Fichtl)
A l’intérieur, se trouvent deux murs transversaux, un d’entre eux a été fouillé par C. Féliu, c’est également un ‘mur gaulois’ alliant blocs de grès taillés sans mortier et poteaux de bois, liés entre eux.

Plan du site du Fossé des Pandours, publié par S. Fichtl

Le premier mur mesure environ 600 mètres de longueur. Il est précédé d’un glacis de 12 mètres de large et d’un fossé de 4 à 7 mètres de largeur. Le mur lui même est composé d’une armature de bois : poteaux et poutres entrelacées liés par de grands clous de fer. Les interstices sont comblés par des blocs de grès. Le parement extérieur présente des pierres taillées sur cinq faces, il dissimulait la structure bois. L’ensemble est complété à l’arrière par un talus. Largeur du dispositif complet : 40 mètres pour une hauteur de 10 mètres.

Le second mur (mur du Baerenkupfel) est plus court. Il s’agit également d’un murus gallicus. C. Féliu note que les poteaux verticaux étaient espacés en moyenne de 4 mètres, ce qui est inhabituel et aurait pu fragiliser la structure. Il suppose un renforcement par des poutres posées en façade du mur.

Mur de Baerenkupfel, photographie C. Féliu


On apprécie la qualité du parement et on note la base d’un des poteaux de la structure bois.

Les archéologues ont trouvé les traces des habitations, deux puits, un atelier monétaire et une nécropole a proximité du camp. Les portes n’ont pas été retrouvées, on peut supposer une entrée nord et une entrée sud, là où passe la route actuellement.

Le mobilier archéologique est important, surtout la vaisselle en céramique. Le lecteur intéressé se reportera au rapport de Stephan Fichtl. Notons cependant 190 monnaies gauloises retrouvées dans le camp.

Le Frankenbourg à Neubois

Terminons ce petit tour d’horizon par quelques mots sur le Frankenbourg situé à une quinzaine de kilomètres à vol de coucou du Mont Sainte-Odile. Le site est dominé par les ruines du château éponyme, une belle forteresse médiévale.

Plan du site du Frankenbourg, publié par C. Féliu

Sur ce plan, le château et ses basses-cours sont indiqués en noir. Plus bas, en direction du col du Schlossberg et du Rocher du Coucou, deux autres lignes de fortifications sont indiquées. En rouge, il s’agit du Mur Païen du Frankenbourg : nous traiterons en détail de ce mur dans un prochain article. En vert, l’objet de notre intérêt de ce jour : le mur gaulois du Frankenbourg.

Lorsque vous vous rendrez sur le site, il se peut que vous passiez sans même l’apercevoir : il ne subsiste qu’un petit talus couvert de végétation. L’endroit a été fouillé lors de six campagnes consécutives par les équipes de Clément Féliu. Nous présentons succinctement les résultats obtenus.

Une centaine de mètres de mur est encore décelable, mais la fortification courrait sur plus de 600 mètres pour délimiter un périmètre de 6,5 hectares devant l’éperon rocheux qui porte aujourd’hui les ruines du château. (résultats d’une étude MNT, Modèles Numériques de Terrain).
Les fouilles de C. Féliu ont permis de mettre à jour la partie basse du parement du mur et de la porte d’entrée du camp. La muraille était de type murus gallicus : mur de pierres sèches et de poteaux et poutres de bois. La porte mesurant 6 à 7 mètres de large, elle était précédée d’un fossé de plus de 7 mètres de large. Cette porte en tenaille (Zwangentor) comportait six poteaux de 50 centimètres de section, elle était suivie d’une structure en bois qui couvrait une surface de 6,20 mètres sur 5,40.

Porte du mur gaulois du Frankenbourg, Photo et plan publiés par C. Féliu

Sur la photographie, vous distinguez la base du parement du mur en pierres sèches et un des trous des poteaux verticaux. Sur le plan, notez la forme en tenaille de la porte et les emplacements des poteaux du mur et de la structure située en arrière de la porte.

Voici quelques dessins du mobilier métallique retrouvé lors des fouilles.

Exemples du mobilier métallique, publié par C. Féliu

L’étude du mur et du mobilier archéologique permet à Clément de dater cette fortification de la Tène Finale (de 150 à 30 ans avant notre ère).

Note : Le rapport de Clément Féliu est disponible sur Internet. Facile d’accès, il fourmille de détails, de plans, de dessins des objets retrouvés. Les passionnés s’y reporteront.

Conclusions

Dans le paragraphe qui précèdent, nous avons longuement parlé de ‘murus gallicus’. Nous ne vous avons montré que quelques mètres de parement et des trous de poteaux. Voici une restitution d’un murus gallicus, située sur le Mont Vully au dessus du lac de Morat.

Murus Gallicus, Mont Vully, Suisse, photographie publiée sur le site du Mont Vully

Murus Gallicus, Mont Vully, Suisse, photographie publiée sur le site du Mont Vully

Et voici, une porte de type ‘Zwangentor’ (en tenaille) reconstituée sur le Mont Dünsberg au nord de Frankfort.

Porte de l’enceinte celte du Mont Dünsberg (Allemagne),
photographie publiée sur le site du Mont Dünsberg

Comme vous le constatez, l’aspect notre Mur Païen du Mont Sainte-Odile n’a rien de commun avec les murs que les Médiomatriques construisaient en Alsace et en Lorraine. Outre l’aspect et la technique, l’importance même de l’ouvrage ne correspond guère. Nos celtes choisissaient un site escarpé et ne construisaient qu'un mur de pierres sèches et poutres, seulement sur la partie la plus faible, à l'entrée du camp. Sur les cinq sites visités, la longueur de la muraille n’excède pas quelques centaines de mètres : nous sommes loin des dix kilomètres du Mur Païen.
Même sur le site du ‘Fossé des Pandours’, plus vaste en surface que l’enceinte du Mont Sainte-Odile, la longueur des murs n’atteint pas le kilomètre. Ajoutons que les murs gaulois étaient précédés le plus souvent par un fossé, totalement absent sur le site du Mur Païen, même au niveau des portes.

Petit tableau comparatif des oppidums cités

Et que dire de la présence réelle des celtes sur le site ? Selon l’étude de Madeleine Châtelet, 369 tessons de la période de la Tène (450 à 25 avant notre ère) ont été dénombrés contre plus de 8000 pour les périodes précédentes. C’est peu. Certes le site du Mont n’a pas été fouillé de façon approfondie comme les autres oppidums cités plus haut, mais c’est peu.

Que dire également du nombre dérisoire de monnaies gauloises trouvées sur le Mont ? La présence celte est attestée, elle ne semble ni importante, ni durable.

Dernier argument contre la thèse celte : la présence au Frankenbourg d’un ‘Mur Païen’ et d’un murus gallicus implique deux phases de construction, le mur gaulois étant le plus ancien.

------

Malgré tout le respect du à Robert Forrer et à Hans Zumstein, leurs propositions de voir dans le Mur Païen du Mont Sainte-Odile une forteresse d'origine gauloise nous semble devoir être écartée.

Nous restent alors deux possibilités : les Romains ou les Mérovingiens.


Ce sera le thème d’un prochain article.

(à suivre)

Sources
  • H. Peltre, La Vie de Sainte Odile Vierge, 1719, pages 134 & 135
  • R. Forrer, Die Heidenmauer von St Odilien, ihre praehistorische Steinbrüche und Besiedlungsreste, 1899
  • F. Pétry et R. Will, le Mont Sainte-Odile,1967
  • H. Zumstein, Contribution à la datation du Mur Païen de Sainte-Odile, 1970
  • G. Tronquart, Le camp celtique de la Bure, 1976
  • A. Deyber, M. Dalout, E. Ladier et A. Weisrock, L’habitat fortifié laténien de la Pierre d’Appel, 1984
  • B. Schnitzler, La question de la datation et de la fonction de l’enceinte, catalogue MS, 2002
  • G. Schöbel, B. Schnitzel, Les fouilles de Hans Reinerth, catalogue MS, 2002
  • S. Fichtl, Le Fossé des Pandours, un oppidum médiomatrique au col de Saverne, 1996
  • S. Fichtl et A.M. Adam, L’oppidum médiomatrique du Fossé des Pandours, 2004
  • C. Féliu et B. Bonaventure, Oppidum de la Heidenstadt (fouilles de 2007-2009), 2011
  • M. Châtelet, J. Baudoux, Le « Mur Païen » du Mont Sainte-Odile en Alsace, 2015
  • C. Féliu, La porte de l’âge de fer du Frankenbourg à Neubois, 2017
  • C. Féliu, Les fortifications du Frankenbourg à Neubois, 2022

Les Romains ou les Mérovingiens ?
(Dessin de Touchemolin, revu PiP)

Plus sur le Mur Païen du Mont Sainte-Odile

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
I
Bonjour M.PiP,<br /> Voici quelques suggestions et remarques que je soumets à vos excellentes recherches.<br /> Dans votre tableau sur les oppida, je me demande pourquoi le Frankenbourg avec des tenons et mortaises n'y apparaît pas. Pourtant, il contient aussi un mur païen comme au Mont Sainte-Odile. <br /> Il semble évident que les 2 constructions sont du même bâtisseur et sans doute de la même période. Il ne peut donc pas être dissocier du Mont Sainte-Odile.<br /> Si vous mentionnez le mur païen du MSO, alors il serait assez logique de citer le Frankenbourg en même temps ?. <br /> D'autant que le Frankenbourg est peut-être justement une des clés de la résolution de la datation. <br /> En effet, ce dernier nous donne une information intéressante avec la porte Gauloise mise à jour par Clément Féliu (1).<br /> Comme l'a indiqué justement Mme Madeleine Châtelet (2), il y a peu de chance que le murus gallicus de la porte gauloise et le type hellénique du mur païen puissent avoir été érigé et utilisés à la même période. Il serait donc naturel de penser que les murs païens du MSO et du FKBG ne sont pas de la période "murus gallicus". <br /> La porte gauloise en murus gallicus du FKBG a été daté autour du IIème-Ier s. av. J.-C. et utilisé jusqu'au Ier s. apr. J.-C. (voir C. Féliu 2021 (1)) . Donc les Murs Païens auraient pu être érigé avant ou après. C'est à dire entre le IVème siècle jusqu'au milieu du IIème siècle av. J.-C. Nous sommes toujours dans la période gauloise de la Tène Finale. Ce qui rejoindrait l'avis de la plupart des chercheurs dont Hans Zumstein pour la fourchette basse de la Tène (avant -150). Et maintenant Clément FELIU en 2022 (3). <br /> Ce qui est valable pour le Frankenbourg doit aussi être applicable pour le MSO (puisque même bâtisseurs). Il est donc raisonnable de penser que le MSO n'a pas été érigé au temps des murus gallicus...<br /> On peut aussi déduire que cette technique de construction est bien sur le territoire des Médiomatriques mais qu'ils n'en sont pas à l'origine (il n'y a pas de construction en tenons et mortaises dans le reste de leur territoire). Il y a donc eu l'aide de bâtisseurs extérieurs. Pour la période romaine, on peut se poser la question de savoir pourquoi les romains auraient construit seulement ces deux constructions de cette manière particulière, en hauteur et à ces endroits précis alors que leur zone de conquête sont bien plus larges dans la région pendant toute leur période de présence… Ca paraît incohérent et sans réel fondement valable. Sinon de l'utiliser en réemploi. Aussi, ils n'étaient largement pas les seuls à utiliser cette technique de construction dans l'antiquité.<br /> Pour ces raisons, il me semble qu'on ne peut pas encore écarter totalement la période celtique gauloise. D'autres indices vont dans ce sens. Cela serait trop long à développer ici.<br /> Quant à la période Mérovingienne, la réfection attesté du Mur Païen pendant la période romaine l'élimine définitivement (C FELIU (3)). On peut donc raisonnablement parler d'une autre remise en état au VIIème siècle par le Duc Etichon. La recherche de dendrochronologie appliquées sur les tenons trouvés sur place permet de l'attester (sans pour autant être une preuve de sont origine).<br /> <br /> 1. Clément Féliu - Quelques remarques sur les portes gauloises à partir de l’exemple du Frankenbourg (2021)<br /> HAL Id: hal-03258488<br /> 2. Madeleine Châtelet, Juliette Baudoux - 2018- page 11 - Le " Mur Païen " du Mont Sainte-Odile... - . https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01717131. <br /> 3. Clément FELIU - Les fortifications du Frankenbourg à Neubois (67) - HAL Id: hal-03581627 - 20 Février 2022.
Répondre
P
Merci pour vos remarques pertinentes, Yvan....<br /> 1 le mur païen du Frankenbourg est l'objet de notre prochain article<br /> 2 quant au débat "Romain ou Celte ?" , il faudra encore attendre un peu.
P
J’attendais avec impatience cette synthèse, que tu m’avais annoncée, sur les recherches et les conclusions des chercheurs érudits, sur le fameux mur, depuis longtemps. Vite la suite (et ta conclusion), le suspense est insoutenable !
Répondre
P
Avant de conclure entre Romains et Mérovingiens, il va me falloir faire un petit détour au Frankenbourg. Mais, on avance, on avance, et nous sommes proches de la conclusion.
C
Je penche pour les origines mérovingiennes ... Intuitivement, (tu me connais pip,) mais l'intuition a peu a voir dans l'affaire. Sinon je suis totalement pour une construction magique, avec des fées, des sorcières et des sorciers, des gnomes aussi et des trolls... Et des géants. Brefs j'aime l'idée de peut être ne pas savoir finalement. La tête dans les étoiles ...
Répondre
P
Il me semble reconnaître l'auteur de ce commentaire.... L'important, c'est que tu ailles marcher sur les sentiers du Mur Païen. Le reste est sans doute dérisoire.
L
Bravo Mr PiP, pour cette mise en comparaison des sites voisins gaulois, comparés au mur. <br /> La version de gaulois aidés par des bâtisseurs venant de grêce me plaisait bien, la preuve on retrouve les anneaux d’ancrages de leur navires au Manelestein. Bravo au petit Marius qui a colorié le dessin à la fin. Vivement la suite!
Répondre
P
oui, il y a un anneau de fer sur le Maennelstein... mais du temps des grecs, la mer s'était déjà retirée depuis longtemps, non?
L
Pas préhistorique, pas celte… alors romain ou mérovingien ?? Dites-nous!!
Répondre
P
Encore quelques semaines avant de savoir !<br />
G
Eh be Pip je crois plutôt que la datation de ce mur est et restera mystérieuse ? tu n'as pas fini de creuser, le mystère est profond.
Répondre
P
Je donnerai mon avis dans quelques semaines, Gaby ! après de longs mois de lecture de thèses des scientifiques et beaucoup de visites sur le terrain !