La Badstub, source oubliée du Mont Sainte-Odile
Les visiteurs du Mont connaissent tous la fontaine Sainte-Odile, dont l’eau miraculeuse guérit les maladies des yeux. Il n’est pas rare d’y trouver de nombreux promeneurs qui viennent remplir gourdes et bouteilles au petit filet d’eau qui coule du rocher.
Plus rares sont les marcheurs qui savent trouver la fontaine Lucie, la Wolfstahl ou la Trank. Mais connaissez-vous la source de la Badstub ?
Contrairement aux autres points d’eau tous situés sur le versant du Mont qui domine la plaine d’Alsace, la Badstub sourd sur le versant occidental, au milieu de la forêt vosgienne. Perdue, presque oubliée, la Badstub ne reçoit que peu de visiteurs.
La semaine passée, Les Amis du Mont Sainte-Odile, membres de la section locale du Club Vosgien, ont profité du débardage effectué au printemps par les forestiers pour venir toiletter les environs de la fontaine. C’est l’occasion d’en dire quelques mots.
La source est située au fond du vallon dit ‘Herzthal’. Le petit ruisseau court alors se jeter dans le Vorbach non loin du lieu-dit Saegmuehlmattel, point de départ du sentier qui emmène aux châteaux de Dreistein. Pour nos amis de l’intérieur : ‘Saegmuehlmattel’ signifie ‘la petite prairie de la scierie’.
L’eau de la source, très fraîche, est collectée dans un bassin parallélépipédique muni d’un déversoir. Quatre grandes dalles de grès fin ont été taillées et minutieusement assemblées pour créer le bassin.
Celui-ci est posé à même le socle rocheux, à proximité immédiate de la faille où l’eau surgit.
Le bassin est de dimensions appréciables : il contient près d’un mètre cube d’eau (935 litres)
La face avant
La pierre présente une bonde qui permet de vider et de nettoyer le bassin. Le déversoir en forme de V arrondi permet de remplir un seau posé au sol devant la pierre.
La face arrière
La pierre est directement adossée au talus, elle présente dans sa partie basse deux cavités en forme de n qui assurent l’arrivée de l’eau dans le bassin, qui se remplit donc par le bas.
Tenons et mortaises
Les dalles avant et arrière de la cuve présentent deux rainures en creux sur toute leur hauteur. Dans ces rainures, les deux dalles latérales, taillées en conséquence, viennent parfaitement s’insérer, assurant ainsi l’étanchéité du bassin. C’est du beau travail !
La dalle latérale située à gauche lorsqu’on est face à la source a été légèrement soulevée à l’avant du bassin par la poussée d’un arbre trop proche, que nous avons du éliminer.
Reprenons un détail du plan de situation présenté plus haut. Nous avons figuré par des points rouges les accès à l’intérieur de l’enceinte du Mur Païen. Le Mur Païen mesure près de 11 kilomètres de long, il s’appuie sur les affleurements de grès (poudingue de Sainte Odile) et protège le sommet du Mont. Cette forteresse reste une énigme quant à son but et à la date de sa construction. La littérature est foisonnante et les théories nombreuses. Certains y voient un lieu de refuge des gens de la plaine en cas d’invasion, d’autres un lieu cultuel. Les dates proposées vont de l’âge de bronze au temps des mérovingiens.
Quoiqu’il en soit, sur les quelques 120 hectares délimités par le Mur, il n’existait qu’un seul point d’eau : la fontaine Saint-Jean, aujourd’hui tarie ! L’alimentation en eau était bien problématique pour les ‘habitants’, même momentanés, des lieux.
Comme l’indique notre schéma les accès à l’enceinte sont peu nombreux. Deux ‘portes’ surplombent notre Badstub. Au Rocher Saint-Nicolas, il est possible de se glisser dans une fente de rocher, la ‘Felsentor’. Un peu plus éloignée, la porte Koberlé était une autre possibilité pour sortir de l’enceinte et venir à la source.
Gageons que les occupants des lieux avaient ménagé ces deux seules portes sur le versant occidental pour atteindre ce point d’eau dont ils avaient grand besoin.
Plusieurs siècles plus tard, la fontaine de la Badstub a repris du service. Odile est venue créer son couvent de Hohenbourg en place du château fort que lui avait cédé son père le Duc Adalric. Le couvent a gagné en renommée et pris de l’ampleur. Alors, encore quelques lustres plus avant, est venu le temps des châteaux forts. Et selon la bulle du pape Léon IX datée de 1050 et octroyée aux couvents, les châteaux destinés à la protection du Mont ont été érigés à l’extérieur de la forteresse du Mur Païen. A proximité de la Badstub se dressent les ruines des châteaux de Dreistein. (Nous proposons sur notre site de nombreux articles sur les Dreistein.)
Les Dreistein se dressent sur un petit promontoire au dessus du vallon dit Herzthal, où se situe notre source. C’est le point d’eau le plus proche. Sur place, les trois châteaux ne disposaient à notre connaissance que de deux citernes à filtration. Les eaux des toitures étaient recueillies et filtrées dans ces deux dispositifs, comme dans la plupart de nos châteaux vosgiens. Le puisard de la citerne du château oriental est encore bien visible aujourd’hui.
Cet approvisionnement sur site était primordial en cas d’attaque ou de siège des châteaux. Cependant en temps plus calmes, il est vraisemblable que les servants des Rathsamhausen devaient descendre quotidiennement pour la corvée d’eau la Badstub. Sans doute suivaient ils déjà le sentier aujourd’hui balisé d’une croix rouge que le Club Vosgien entretient pour les randonneurs.
La mise en place du petit réservoir de la Badstub avec le dispositif du déversoir pour remplir les seaux a du se révéler bien utile au moyen âge.
Nota : Badstub peut se traduire par cabine de bain. Ce nom actuel de la source peut s’expliquer par la forme du bassin. Si d’aventure quelqu’un voulait s’y baigner réellement…. ‘Ouh ! Elle est froide !’
Après les travaux forestiers du printemps, les chemins étaient en piteux état à proximité de la source. Les A.M.S.O. sont venus poser une passerelle de rondins au dessus du ruisseau sur le chemin des Dreistein. Le sentier a été recréé sur quelques dizaines de mètres avec des pierres de soutènement. Les environs de la fontaine ont été dégagés.
La fontaine elle-même a été vidée et curée. Nous avons profité de ces travaux pour effectuer les relevés présentés dans cet article.
Nota : lorsque vous êtes assis sur le banc posé par les A.M.S.O, loin devant vous, sur la crête, vous pouvez discerner le donjon du Dreistein occidental.
Les A.M.S.O au travail (et en pause)
Les A.M.S.O sont fort sympathiques !
Rejoignez les Amis du Mont Sainte-Odile !
- Les portes du Mur Païen au Mont Sainte-Odile, Hans Zumstein, 1992, C.A.A.A.H tome 35
- Dreistein, Châteaux du Mont Saint-Odile, André Lerch, 2002
- Sources et fontaines du Mont Sainte-Odile
- La fontaine Lucie
- La source Sainte-Odile
- Les châteaux de Dreistein
- La chartre du pape Léon IX en faveur du Mont Sainte-Odile
Les résultats des A.M.S.O.
- Schémas et relevés, PiP
- Photos aériennes, EtF
- Photos, A.M.S.O.
Merci aux Amis du Mont Sainte-Odile
pour leur engagement et la qualité du travail accompli.
Merci à Gaby, Jean-Marie et Jean ! Quelle belle journée !