Mur Païen – la porte Fritsch, une porte médiévale ?

Aux quinze articles dédiés au Mur Païen en quelques mois, ajoutez la création de ce bel outil qu’est notre carte interactive du Mur Païen. Quel beau bilan…
Nos lecteurs fidèles le savent : Etienne et moi arpentons les alentours du Mur Païen de façon assidue depuis quelques mois. Moi, PiP, c’est plutôt dans les livres, les écrits, les bibliothèques ; Etienne est l’homme de terrain, à la recherche de tout indice, de tout détail qui aurait échappé à nos prédécesseurs. Toujours dans les bois, souvent sur le Mur !
Etienne et moi travaillons également de conserve sur le site pour confronter nos points de vue : ce sont alors de belles heures sur le Mont Sainte-Odile. Vous devriez faire de même.

Allez, nous vous emmenons aujourd’hui au dessus des châteaux de Dreistein !

La ‘découverte’ de la porte Fritsch

Pour effectuer un relevé précis du Mur, Etienne a parcouru les kilomètres de l’enceinte muni d’un outil GPS. C’était la base de la carte interactive du Mur. Ensuite, conséquence de l’étude d’un texte de Forrer, d’ Eyer, de Zumstein, ou d’autres, nous sommes allés retrouver soit une carrière, soit un abri sous roche, soit la fontaine Heidenbrunnen, dernièrement même le Brunnenschacht. D’abord le texte, puis le terrain ! Méthode PiP !

Pour la porte Fritsch, ce fut bien différent. Lors de son relevé, Etienne avait remarqué une discontinuité dans le mur et voulu attirer mon attention sur ‘sa porte’. Mais, vous connaissez mon ouverture d’esprit et surtout sa malléabilité légendaire.

- Etienne, il n’y a rien dans les textes, même Robert Forrer n’en parle pas. Alors, c’est qu’il n’y a rien.

On ne saurait se montrer plus obtus, j’en conviens.

A notre premier passage, j’avais à peine jeté un œil sur l’endroit couvert de mousses et de branchages. Au deuxième passage, je restai aveugle. Mais, Etienne est un garçon tenace, obstiné. J'oserais même 'hutin'. Il est remonté sur place, il a évacué le bois mort, gratté la mousse de quelques rochers. Lors de la visite suivante, l’évidence était sous mes yeux.

La porte Fritsch

A ma connaissance, cet accès au Mur Païen n’a jamais été décrit, ni a fortiori nommé. Je prends sur moi de lui donner ici le nom de porte Fritsch, du patronyme de mon cher Etienne.

Voici un schéma de situation de la porte Fritsch.

La porte est située sur le versant occidental du camp du Stollberg, à mi-chemin entre la porte Koeberlé et le mur transversal nord.

La ‘porte’ a été dégagée sur toute sa surface : simple élimination des branchages, des mousses. Nous ne sommes pas habilités pour fouiller et nous nous en sommes bien gardés. De plus, l’utilité d’une telle fouille n’est pas flagrante : une observation des lieux en l’état suffit pour comprendre l’histoire et le but de cette entrée.

Le Mur Païen a été visiblement démonté à cet endroit. La roche au sol a été surcreusée par endroits afin de créer un passage à surface plane, d’une largeur de plus de deux mètres. Entre le Mur et le sentier du Club Vosgien (balisage chevalet jaune), le passage a une longueur de huit mètres environ. Il se prolonge sur cinq mètres au-delà du sentier. Pas de trace visible au-delà.

Au nord de la porte, le Mur Païen est conservé sur deux ou trois assises. Au sud-ouest, au dessus de la porte, sa trace est à peine visible, quelques blocs restent en place, mais la plupart d’entre eux ont été démontés et évacués.

Voici quelques images de la porte Fritsch.

Et voici, une vue de dessus, avec quelques éléments de lecture

Vers l’ouest, la porte ouvre l’accès au chemin médiéval.

Le chemin médiéval de la porte Fritsch

Comme indiqué sur le schéma de situation proposé plus haut, l’ouverture pratiquée dans le mur se prolonge par un sentier qui descend à flanc de coteau en direction des Châteaux de Dreistein. La distance par ce chemin entre la base du château du Milieu et la porte Fritsch est de 350 mètres.

Dans ses premiers mètres, le sentier est a peine visible, de par la végétation luxuriante. Plus loin, il se confond avec le sentier du Club Vosgien qui joint le Stollhafen et les châteaux (balisage croix rouge). Sur la partie haute du chemin, comme abandonnés, plusieurs blocs présentent les encoches en queue d’hirondelle du Mur Païen.

Il semble bien que les bâtisseurs du Dreistein aient créé cette porte et ce chemin, afin de pouvoir facilement descendre les blocs de pierre déjà taillés vers le burg. La pente du coteau est marquée, il suffisait de faire rouler les pierres jusqu’au chemin. Ces blocs étaient ensuite vraisemblablement posés sur des traîneaux et tirés jusqu’au chantier. La largeur du chemin a du être aménagée pour le passage des pierres entre deux gros rochers dans la partie haute du sentier.

Note : Certes, plusieurs chercheurs ont dans le passé déjà lié les tronçons manquants du Mur dans le Stollberg avec la construction des Dreistein et du Hagelschloss. La porte Fritsch et le chemin médiéval en sont un élément des plus tangibles. (voir notre article ‘le Mur Nord du Stollberg’)

La porte Fritsch et les châteaux de Dreistein

Poursuivons notre descente pour atteindre les châteaux de Dreistein. (Nous avons consacré treize articles à ces magnifiques ruines. Cliquez sur le lien)

Comme dit plus haut, les bâtisseurs du premier château au Dreistein ont utilisé le Mur Païen comme une immense carrière : plutôt que de creuser, extraire et tailler de la roche, ils ont descendu les blocs du Mur Païen et les ont retaillés sur place. Quelle économie de moyens et de temps !

Etienne et moi nous sommes amusés à rechercher les pierres du Mur utilisés aux Dreistein. Elles sont nombreuses ! Nous les avons toutes trouvées dans le château du Milieu, ce qui est bien naturel. Les châteaux oriental (~1250) et occidental (~1300) ont été construits plus tardivement et les fossés actuels étaient alors leurs carrières.

Voici quelques images de pierres à encoches situées dans les murs du château du Milieu.

Terminons par quelques pierres trouvées au sol.

Conclusion

La porte Fritsch n’est pas de même nature que les portes anciennes du Mur Païen étudiées dans notre article précédent. Il s’agit un ouvrage médiéval, ouvert dans le Mur Païen pour permettre l’exploitation des blocs du Mur lors de la construction du premier château de Dreistein.

Souhaitons que notre approche d'amateurs soit suivie d'investigations effecturées par les professionnels. 

• Photographies, EtF
• Schémas, PiP
   

Merci pour tout , Etienne !